"C'est avec grand regret que je suis contraint de refuser le prix que m'a accordé le festival du film de Turin". Le réalisateur Ken Loach a refusé un prix que voulait lui décerner ce festival, hier, par solidarité avec des employés chargés du nettoyage et de la sécurité du Musée national du cinéma de la ville, qui organise le festival. Dans une lettre envoyée par son distributeur italien, BIM film, le cinéaste britannique explique que les travailleurs du musée "qui étaient les moins bien payés et donc les plus vulnérables ont perdu leur boulot parce qu'ils s'opposaient à des réductions de salaires (...) Il est injuste que les plus pauvres paient pour une crise économique dont ils ne sont pas responsables".

Ken Loach, qui devait recevoir un prix pour l'ensemble de son œuvre, dresse un parallèle entre cette situation et l'un de ses films, Bread and Roses (2000), qui évoque la lutte à Los Angeles de deux employées du nettoyage mexicaines. "Comment pouvais-je ne pas répondre à une demande de solidarité de la part de travailleurs qui ont été licenciés pour avoir défendu leurs droits ? Accepter le prix en faisant juste quelques commentaires critiques aurait été faible et hypocrite", écrit-il. A la demande des distributeurs, la projection au festival de son dernier film, La part des Anges, a été annulée.

En guise de réaction, le directeur du Musée et directeur artistique de la Mostra de Venise, Alberto Barbera, a dit "tomber des nues" et souligné que Ken Loach était un "ami de longue date (...) Il fait une erreur grossière, il se trompe de cible". Selon lui, ces travailleurs sont employés par une coopérative qui n'a fait état d'aucun conflit social. Les deux hommes trouveront-ils un terrain d'entente avant la fin du festival, le 1er décembre ?

S'il avait accepté ce prix, Ken Loach l'aurait posé sur son étagère à côté d'un grand nombre de récompenses reçues cette année. La plus prestigieuse est bien entendu son Prix du jury cannois, décerné pour La Part des anges en mai dernier par le jury du Festival de Cannes. En octobre, à Lyon, il a également obtenu le Prix Lumiere 2012 des mains d'Eric Cantona apres la projection du film Looking for Eric, portrait en creux de l'ancien footballeur qu'il avait réalisé en 2009.

(Avec AFP)