Les cinq erreurs de Thomas Thévenoud...

L'ex-secrétaire d'Etat Thomas Thévenoud, le 27 août 2014 à l'Elysée. (BERTRAND GUAY / AFP)

Thomas Thévenoud devrait revenir sur terre ! Ephémère secrétaire d'Etat au commerce extérieur - il a occupé son poste pendant 9 jours avant d'en être démis par le président de la République -, il donne la regrettable impression de ne pas comprendre les données de la fâcheuse situation dans laquelle il s'est mis.

Député de Saône-et-Loire, figure montante du PS et admirateur d'Arnaud Montebourg, c'est en quelque sorte grâce à celui-ci que Thévenoud avait été appelé au gouvernement. Il avait été l'un des bénéficiaires de la démission de l'équipe Valls, le 25 août, provoquée par une énième sortie de l'ancien ministre de l'économie et du redressement productif.

Mais patatras, le 4 septembre, un communiqué laconique de l'Elysée met fin à ses fonctions. Rapidement, il apparaît que l'intéressé est en délicatesse avec l'administration fiscale. A-t-il fait ses déclarations de revenus avec un peu de retard au cours des dernières années ? A-t-il oublié de les faire ? En fait, il y a un peu des deux. L'homme s'en explique dans le journal de Saône-et Loire.

Pas "fraudeur", mais "contribuable négligent"

"Il s’agit uniquement de problèmes de déclaration et de retards de paiement, déclare-t-il dans ce quotidien. Je n’ai jamais fait de fausses déclarations, jamais dissimulé des revenus ou des éléments de mon patrimoine. Je n’ai jamais trompé l’administration fiscale qui connaissait parfaitement ma situation. Je n’ai fait d’ailleurs l’objet d’aucune procédure pénale."

"Je ne suis pas un fraudeur, je suis un contribuable négligent", insiste Thévenoud, reformulant ainsi à sa manière la célèbre formule "responsable mais pas coupable". Cette défense pèche un peu par sa fragilité. Si personne ne peut affirmer qu'il est fraudeur - au sens juridique du terme -, tout le monde s'interroge sur la crédibilité de sa négligence. 

L'usage de ce terme est sa première erreur. Il est pour le moins paradoxal qu'un membre de la commission des finances de l'Assemblée nationale ne soit pas au fait des procédures fiscales. Et notamment de la plus connue de tous les contribuables : la déclaration annuelle de revenus. Un oubli, une fois, pourrait encore être compréhensible, voire pardonnable. Mais trois fois de suite, avec une omission totale de déclaration, ça fait beaucoup... de négligences !

Sa deuxième erreur est contenue dans la première : c'est de ne pas comprendre que ce type de défense est insupportable aux yeux des millions de contribuables qui eux ne sont pas "négligents". Surtout quand on se présentait, comme il le faisait après le vote de la loi sur la transparence de la vie publique, comme un chantre de l'exemplarité en évoquant les "obligations particulières" des députés.

Soit de l'aveuglement, soit de l'irresponsabilité

Sa troisième erreur, c'est bien d'avoir voulu jouer le chevalier blanc, ou plus encore, comme disait Coluche, d'avoir prétendu "laver plus blanc que blanc" alors que lui-même n'ignorait rien de ses "négligences fiscales". Comble du ridicule - du cynisme, penseront certains -, Thévenoud avait été vice-président de la mission d'information sur la fraude fiscale et vice-président de la commission d'enquête sur l'affaire Cahuzac. 

Et face à l'ancien ministre du budget, qui lui était un vrai fraudeur, détenteur d'un compte bancaire non déclaré, en Suisse, il s'était montré particulièrement incisif et pugnace. Il n'hésitait pas à parler de "trahison" de la part de Cahuzac qu'il avait "cuisiné" lors d'une audition devant la commission d'enquête. Mais simplement "négligent", il ne devait pas réaliser la teneur de cette "indélicatesse".

Non content d'avoir fait le procureur dans cette affaire, Thévenoud a multiplié les déclarations sur la "recherche de l'exemplarité" : "Il faut aussi rappeler à quoi sert l'impôt" (LCI); "On ne peut pas demander des efforts aux Français sans que nous-mêmes, élus, fassions des efforts sur nous-mêmes" (LCI); "En 1757, Rousseau écrivait à d'Alembert : 'Combien de vertus apparentes cachent souvent des vices réels'" (Assemblée nationale).

Sa quatrième erreur est d'avoir pensé, peut-être inconsciemment si on lui accorde le bénéfice du doute, qu'il passerait, sans encombres et sans dégâts, au travers des mailles du filet fiscal. C'est d'autant plus étrange quand on a soi-même voté un système de contrôle qui vient de faire la preuve de son efficacité puisque sa "négligence" n'a pas résisté plus de 9 jours. C'était soit de l'aveuglement, soit de l'irresponsabilité.

L'UMP réclame sa démission de l'Assemblée

 A l'aune de ce passif, sa cinquième erreur est d'avoir accepté le poste de secrétaire d'Etat que lui confiaient Hollande et Valls. Le simple bon sens par lequel il aurait pu donner une preuve éclatante de sa bonne foi aurait été de décliner cette offre ministérielle. Il est vrai que, toutes choses inégales par ailleurs, le précédent Cahuzac montre que le déni est un puissant moteur de l'ambition.

Et comme "la roche Tarpéienne est proche du Capitole", Thévenoud va faire face maintenant au jugement de ses pairs à l'Assemblée. Si certains de ses collègues socialistes se montrent "abasourdis", comme Valérie Rabault, rapporteure générale du Budget, ou demandent son exclusion du groupe PS, certains élus de l'opposition, à l'instar de Luc Chatel, secrétaire général de l'UMP, réclament sa démission de son mandat de député.

A tout le moins, il serait étonnant que Thévenoud puisse conserver son poste de porte-parole du groupe au Palais-Bourbon. Dès à présent, son site Internet est "en maintenance", probablement pour écarter les attaques intempestives. Et au moment de redescendre dans l'arène que constitue l'Hémicycle, son appartenance au groupe d'études tauromachie lui permettra-t-elle d'éviter les banderilles ?

Publié par Olivier Biffaud / Catégories : Actu