Sans appel

La décision de la Cour de Justice de la République de reconnaître Mme Christine Lagarde coupable de négligence dans le cadre de l’arbitrage ayant abouti au versement d’environ 400 millions d’euros à M. Bernard Tapie tout en la dispensant de peine provoque encore des remous dans l'opinion publique, de nombreuses voix dénonçant une justice à deux vitesses, une pétition signée par 200000 internautes circulant même pour qu’un second procès soit organisé.

Christine Lagarde, lors de l\'ouverture de son procès, le 12 décembre 2016, devant la Cour de justice de la République, à Paris.

La composition même de la Cour de justice de la République peut amener à s'interroger quant à son impartialité.

Cette juridiction a été créée en 1993 en remplacement de la Haute Cour de Justice, qui était précédemment compétente pour juger les ministres pour les infractions commises dans le cadre de leurs fonctions.

La procédure devant cette juridiction était particulièrement lourde et inefficace puisque la mise en accusation devait résulter d'une motion adoptée en termes identiques par les deux assemblées parlementaires, au scrutin public et à la majorité absolue des membres composant chacune d'elles, ce qui était quasiment impossible.

C’est la raison pour laquelle a été créée la Cour de Justice de la République, afin que la procédure concernant les infractions commises par les membres du gouvernement se rapproche du droit commun. Ainsi le renvoi devant la juridiction de jugement est décidé par trois magistrats professionnels et non plus par des parlementaires, ce qui a permis à la CJR, eh bien, de siéger à plusieurs reprises, ce qui constitue déjà un progrès par rapport à la Haute Cour.

Le rôle juridictionnel des élus regagne en revanche toute son importance au stade du jugement, puisque que la CJR stricto sensu, chargée de se prononcer sur la culpabilité  et éventuellement de prononcer une sanction, est composée de magistrats judiciaires et de parlementaires : trois magistrats issus de la Cour de Cassation et huit parlementaires.

L'apparence d’impartialité étant aussi importante que sa réalité, la CJR renvoie aisément du fait de sa composition une apparition de jugement entre gens du sérail, "entre soi", qui semble ne pas compter pour rien dans les critiques adressées à sa décision concernant Mme Lagarde.

Autant néanmoins ôter d'ores et déjà leurs illusions aux pétitionnaires : un nouveau jugement de Mme Lagarde est en l'état actuel du droit impossible, les décisions de la CJR étant rendues sans appel (elles ne sont susceptibles que de pourvoi en cassation).

La loi est dure (ou pas assez, selon le point de vue que l'on adopte), mais c'est la loi.