En Mayenne, il y a cidre et… Sydre !

Eric Bordelet devant le château de Hauteville, dont i entrepris la restauration.

Eric Bordelet a fait d’une boisson paysanne, cantonnée le plus souvent aux cartes des crêperies, un must international. Aujourd’hui, son “Sydre” est servi dans les plus grands restaurants de France et d’ailleurs : histoire d’une passion pétillante !

Au château du Hauteville, en Mayenne, on ne parle pas de cidre mais de “Sydre” : “ C’est l’ancienne écriture, souligne Eric Bordelet. J’ai trouvé cette orthographe dans de vieux traités. ” Même si l’INAO (l’Institut National de l’Origine et de la Qualité) a quelque peu tiqué, Eric Bordelet désigne toutes ses productions ainsi : “Sidre” pour les cuvées de soif, et “Sydre” pour les cuvées gastronomiques.
Eric Bordelet est un ancien sommelier, il a notamment travaillé aux côtés d’Alain Passard, à “l’Arpège”, et d’Alain Dutournier, aux “Trou gascon”. « La sommellerie, dit-il, c’est comme le sport de compétition, il faut savoir arrêter à temps.” Un arrêt décidé en 1991, d’autant plus facilement qu’Eric nourrissait un projet aussi étonnant qu’exaltant : revenir sur la propriété familiale en Mayenne, pour produire des cidres et des poirés d’exception.

Comme un vigneron

Vingt-trois ans plus tard, Eric Bordelet cultive ses pommiers et ses poiriers comme d’autres élèvent la vigne. Seule différence, quand il plante un arbre, les fruits sont récoltés entre dix et vingt ans plus tard. L’échelle du temps est bouleversée.
Au printemps, à Hauteville, 19 hectares de verger fleurissent - rose pour les pommiers, blanc pour les poiriers - mais seuls 4,5 hectares sont productifs. « Aujourd’hui, explique Eric Bordelet, dans chaque cuvée de “sydre” j’assemble les jus de 20 espèces différentes de pommes. Pour le poiré, j’ai à ma disposition 15 variétés de poires. Mais d’ici dix à vingt ans, quand l’ensemble des plantations sera mature, je pourrai travailler 40 variétés de fruits aussi bien pour le “sydre” que pour le poiré. La palette des saveurs et des arômes sera encore plus riche.” Ici pas de traitement sur les pommes et les poires, la conduite en biodynamie du domaine exclut tout produit chimique.

Des arbres tricentenaires

Comme un vigneron, Eric Bordelet fait des assemblages, il marie les jus des pommes acides à ceux des fruits contenant un taux de sucre plus élevé, il associe les plus âpres aux plus souples, il recherche un équilibre, une élégance aromatique. “Pour mes cuvées de “Sidre” gastronomique, reprend-il, je garde d’année en année la même proportion de fruits de variétés différentes. Ainsi, l’assemblage n’apporte pas de variation sur le goût final, cela permet de mieux ressentir l’effet du millésime. ” L’ancien sommelier n’est jamais loin derrière le cidriculteur, pardon le sydriculteur… Car chaque millésime livre sa vérité en Mayenne comme en Bourgogne : “D’année en année, nous sommes sur des cuvées qui possèdent des personnalités différentes, indique Eric. Cela se ressent ensuite sur leur évolution pendant le vieillissement. ” Car les “Sydres” et les poirés du domaine peuvent vieillir de nombreuses années. « Comme pour le vin, souligne Eric, ils gagnent en arômes tertiaires, très souvent des épices douces se révèlent. »

Du Japon au Canada

Pour la cuvée “Argelette”, qui possède la plus grande complexité aromatique et le meilleur potentiel de garde, les fruits des pommiers les plus anciens, parfois plus de cent ans, sont mis à contribution. « Leurs racines plongent profondément dans le sol pour chercher leurs nutriments, précise Eric Bordelet. Le jus des fruits contient une plus grand minéralité. » Même chose avec la cuvée de poiré baptisée “Granit ”, pour laquelle certains fruits proviennent d’arbres tricentenaires. « J’ai un climat Normand, dit Eric, mais le sous-sol est Breton. » Quoi de mieux pour élever le cidre et le poiré au rang de boissons de gastronomie ?
Aujourd’hui, les cuvées d’Eric Bordelet sont servies sur les plus grandes tables de France, les négociants étrangers sont également sur le coup et des palettes entières s’envolent pour le Japon ou le Canada : « Près de 70% de la production part à l’export, confirme Eric. »

Le réveil du calvados !

D’ici quelques années, une autre merveille sortira des chais mayennais : un calvados hors d’âge en réduction naturelle. Explications ! Le calvados, tout juste après sa distillation, titre aux environs de 72° d’alcool. Pendant son vieillissement, il perd près d’un degré par an. Il faut donc attendre une vingtaine d’année avant que le nectar soit suffisamment assagi pour être dégusté dans le plus grand confort. Seulement, tout le monde n’a pas la patience d’attendre, et il est autorisé de couper l’alcool avec de l’eau pour faire tomber les degrés. Un raccourci, ou plutôt, une queue de poisson, qui ne grandit personne, ni le producteur, ni le plaisir du dégustateur… Chez Eric Bordelet, on sait attendre que les arbres soient en âge de produire, alors on sait aussi que la patience est le meilleur allié du distillateur. Les premiers calvados d’Eric Bordelet sommeillent depuis 1997, ils vont bientôt se réveiller. Un baiser du bout des lèvres suffit… On aimerait être là.

Adresse : Eric Bordelet - Domaine de Hauteville - 53250 Charchigné - Tél : 02 43 03 95 72

Où trouver les “Sydres” d’Eric Bordelet : A Paris - Lavinia - Les caves Legrand - Les caves Augé. Plusieurs sites internet proposent une vente en ligne.