Le film «Call Me By your Name», victime de l’homophobie ambiante en Tunisie

Scène du film «Call Me de Luca Guadagnino ((AFP - SONY PICTURES RELEASING - COLLECTION CHRISTOPHEL)

L’interdiction en Tunisie du film «Call Me By Your Name» (mot à mot: «Appelle-moi par ton nom») vient rappeler que l’homosexualité y est très mal vue. Et réprimée par la loi. L’article 230 du code pénal précise que la sodomie est punie de trois ans d'emprisonnement. Décidément, il ne fait pas bon être gay dans le pays…

Le film de l’Italien Luca Guadagnino raconte l’éveil au désir d’Elio, un adolescent, avec un séduisant Américain dans le domaine familial du nord de l’Italie… Conséquence : le visa d’exploitation lui a été refusé en Tunisie. Une décision signifiée «oralement», a expliqué le distributeur Lassaad Goubantini au Huffpost Tunisie. Motif invoqué : «le contenu et le sujet» de l’œuvre, tiré d’un roman (du même nom) de l’écrivain américain André Aciman.

D’autres films ont été interdits ces dernières années dans le pays. Cela a ainsi été le cas, en 2017, de Wonder Woman, également déprogrammé d’un festival en Algérie, en raison de la présence dans le générique d’une actrice israélienne, Gal Gadot. En 2016, Le messager de Dieu, de l’Iranien Majid Majidi, avait lui aussi été interdit de projection au motif qu’il «incarnait les prophètes et les Sahabas (compagnons) du prophète Mohamed», rapportait alors le site webdo.tn.

Pour Call Me By Your Name, c’est le sujet central du film qui a déplu. En clair : le thème de l’homosexualité, réprimée par la loi. Les personnes homosexuelles peuvent être ainsi condamnées sur la base d’un «test anal» pratiqué par un médecin, appelé «test de la honte» par ceux qui le subissent. En septembre 2017, le ministre des Droits de l’Homme, Mehdi Ben Gharbia, avait annoncé la fin de cette pratique. Mais pour l’instant, l’annonce n’a pas encore été suivie d’effet.

Mis sur écoute pendant six mois
Les autorités continuent donc à sévir. En février 2018, deux couples homosexuels binationaux, l’un franco-tunisien, l’autre franco-mauricien, ont dû fuir la Tunisie. Comme l’a rapporté franceinfo, Thierry, Yoan, Christophe et Mehdi ont été dénoncés. Ils ont dû quitter le pays précipitamment. Il s’agissait d’«éviter les arrestations de nuit parce qu'ils voulaient nous prendre sur le fait, en flagrant délit», ont-ils raconté à notre confrère. 

Les deux couples ont été mis sur écoute pendant six mois, «le temps de l’enquête pour prouver leur homosexualité». Mehdi, seul ressortissant tunisien parmi les quatre hommes, risquait le «test anal». «C’est à dire qu’on dirait qu’on se fait violer. La police va faire exprès de publier ça. A tes proches, à ta famille, juste pour t’humilier», a-t-il expliqué. «Mehdi est d'ailleurs inquiet pour sa famille restée sur place, qui pourrait subir des pressions», poursuit le site.

En 2017, plus de 60 arrestations auraient été opérées dans ce cadre en Tunisie.

Le 4 mars 2018, le site kapitalis rapportait qu’un homosexuel, Ahmed, âgé de 30 ns, avait porté plainte contre deux policiers qu’il accuse de l’avoir agressé. Ces derniers, en uniforme, l’ont interpellé à la sortie d’un bar pour un contrôle d’identité. Ils lui auraient demandé de l’argent, ce qu’il aurait refusé.

«Ils m’ont alors reproché mon look et m’ont dit que j’étais efféminé avant de m’insulter et de me traiter de sale pédé», raconte Ahmed. Selon lui, les policiers l’ont frappé au visage, lui cassant le nez et la mâchoire.

La page d'accueil du compte Facebook de l'association tunisienne Shams. Laquelle lutte contre l'homosexualité en Tunisie et demande sa dépénalisation (capture d'écran).

La page d'accueil du compte Facebook de l'association tunisienne Shams. Laquelle lutte contre l'homosexualité en Tunisie et demande sa dépénalisation (capture d'écran).

Publié par Laurent Ribabeau Dumas / Catégories : Non classé