Le 7 novembre 1987, le Premier ministre tunisien, Zine el-Abidine Ben Ali, dépose le président Habib Bourguiba, alors âgé de 84 ans, premier chef d’Etat de la Tunisie indépendante. Il invoque alors la «sénilité» du «Combattant suprême». Ce dernier s’éteindra le 6 avril 2000 à Monastir, où il avait été assigné à résidence.
Dans leur livre, «Notre ami Ben Ali», les journalistes Nicolas Beau et Jean-Pierre Tuquoi ont raconté ce «coup d’Etat médical» : «Sept médecins, dont deux militaires, sont convoqués en pleine nuit, non pas au chevet du malade mais, là encore, au ministère de l'Intérieur. Parmi eux se trouve l'actuel médecin du président, le cardiologue et général Mohamed Gueddiche. Ben Ali somme les représentants de la Faculté d'établir un avis médical d'incapacité du président. "Je n'ai pas vu Bourguiba depuis deux ans", proteste un des médecins. "Cela ne fait rien, signe", tranche le général (Ben Ali)».
Un peu plus tard, Zine el-Abidine Ben Ali, nommé chef du gouvernement à peine un mois plus tôt, annonce à la radio-télévision la mise à l’écart de Habib Bourguiba, le «père» de la Tunisie moderne. Il le remercie pour ses «énormes sacrifices». Et précise que «le devoir national impose de déclarer (le chef d’Etat destitué) dans l’incapacité d’assumer (…) la présidence de la République». Il critique aussi la «présidence à vie» de celui qui est désormais son prédécesseur. Même si Ben Ali, ultérieurement, se fera, lui aussi, nommé ad vitam aeternam…
Se met alors en place... un «étrange culte du chiffre 7» (lié au 7 novembre 1987): places et monuments du 7 novembre, impression du 7 sur les billets de banque, cartes d'identité où figurent 7 colombes, le 1 de l'indicatif téléphonique remplacé par un 7... Ce culte ne s'arrêtera que le 14 janvier 2011, quand Ben Ali sera renversé par le peuple tunisien et s’enfuira en exil en Arabie saoudite.
Selon l’ancien chef des secrets italiens, l’amiral Fulvio Martini, le gouvernement de Bettino Craxi aurait organisé la destitution de Bourguiba. Laquelle se serait faite en accord avec les autorités algériennes. Motif : Alger aurait craint pour l’avenir d’un gazoduc transportant du gaz algérien jusqu’en Sicile et passant à travers le territoire tunisien.
Le coup d’Etat aurait eu lieu contre la volonté de la France. «Le général René Imbot, ancien chef de la DGSE (services secrets), m'a traité avec arrogance et m'a dit que nous autres Italiens, nous ne devions pas nous mêler de la Tunisie, qu'il s'agissait de l'empire français», a raconté Fulvio Martini à La Repubblica, cité par Le Monde. Craxi, qui a par la suite fui en Tunisie à la suite d’accusations de corruption, a démenti.
Une version rocambolesque ? On ne le saura sans doute jamais.
Toujours est-il que Ben Ali s’installe solidement au pouvoir. Parmi les mesures qu’il va prendre : faire main basse, pour lui et son clan, sur les marchés publics. La corruption va ainsi s’institutionnaliser, pour ne pas dire s’industrialiser. Elle va atteindre sous le règne du nouveau dirigeant un tel niveau de rapacité qu’aujourd’hui encore, la traque des biens du clan reste très difficile…
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