Les autorités tunisiennes ont décidé de reporter les premières élections municipales de l'après-révolution. Des élections prévues au départ pour décembre 2017 et attendues depuis très longtemps en raison d’une gestion des communes souvent défaillante. Argument invoqué par la majorité des partis politiques, favorables à ce report : l'état d'impréparation du scrutin.
Dans la foulée du soulèvement de 2011, les municipalités avaient été dissoutes et remplacées par des équipes provisoires, des «délégations spéciales». Mais le provisoire a plus que duré… Résultat : la gestion des villes est devenue défaillante, notamment avec un ramassage des ordures aléatoire et des infrastructures déficientes. Ce qui a entraîné une dégradation de la vie quotidienne. Dans ce contexte, les municipales sont attendues pour sortir de cette situation. Tout en ancrant le processus démocratique à l'échelon local, avec des milliers d'élus.
Mais le 18 septembre 2017, à l'issue de quatre heures de réunion avec des représentants du Parlement, de la présidence et du gouvernement, les représentants des partis politiques ne sont pas parvenus à fixer une nouvelle date pour la tenue d’un nouveau scrutin. Le ministre chargé des relations avec les instances constitutionnelles et la société civile, Mehdi Ben Gharbia, a pour sa part jugé que «reporter les municipales est une mauvaise chose (...) mais finir cette réunion sans fixer une nouvelle date, c'est encore pire». Initialement, des rumeurs avaient fait état d’un report en mars 2018.
«Pas en arrière»
Pour le président du parti islamiste Ennahdha, Rached Ghannouchi, «reporter les municipales à une date indéterminée transmet un message négatif au monde». «Nous ne sommes pas prêts pour la date de 17 décembre mais nous sommes contre tout report», a déclaré de son côté le secrétaire général de l'Alliance démocratique (centriste), Mohamed Hamdi.
«Nous dénonçons le report des municipales (...) et nous le considérons comme un pas en arrière dans le processus de la transition démocratique», ont écrit dans un communiqué commun quatre ONG dont Al Bawsala, qui supervise le travail législatif depuis la révolution, et l'Association tunisienne pour la transparence et la démocratie des élections (Atide). Selon ces organisations, ce report va «dégrader davantage la situation des municipalités que les délégations spéciales ne sont plus capables de gérer».
Ce report n'est pas réellement une surprise dans la mesure où l’Instance supérieure indépendante des élections, l'ISIE, chargée d'organiser le scrutin, a été agitée par des remous au cours des derniers mois. Son président Chafik Sarsar, personnalité respectée qui avait mené à bien les élections législatives et présidentielle de 2014, a démissionné avec fracas en mai. Il a laissé entendre qu'il ne pouvait plus travailler de manière «transparente» et «impartiale». Il avait poussé à la tenue des municipales en 2017, estimant qu'un report en 2018 constituerait un revers pour la transition démocratique.
Signe d'une défiance de la population, la campagne de sensibilisation pour les municipales a été laborieuse. L’ISIE a ainsi enregistré moins de 500.000 nouveaux votants, sur trois millions de nouveaux électeurs potentiels. Au total, près de cinq millions de Tunisiens doivent élire les responsables de 350 municipalités, sur la base d'un scrutin proportionnel à un tour.
Le taux de participation devrait être un des enjeux de ces élections. Et ce dans un pays où la jeunesse, à l'origine de la révolution, exprime régulièrement son ras-le-bol persistant envers le chômage et la misère, principalement dans les régions défavorisées de l'intérieur.