Le juge britannique chargé de l’enquête sur l’attentat de Sousse (26 juin 2015), dans le nord-est de la Tunisie, n’hésite pas à dire que la réponse de la police tunisienne a été «lâche». Il va jusqu’à évoquer des retards «délibérés» de la part des forces de l’ordre. Hasard du calendrier ? La justice de Tunis a annoncé le 1er mars 2017 que six membres des forces de sécurité seront jugés pour «non-assistance à personne en danger».
Le magistrat Nicholas Loraine-Smith enquête sur la mort de 30 Britanniques pendant l’attaque. Le 26 juin 2015, un étudiant tunisien, Seifeddine Rezgui, armé d'une kalachnikov avait surgi par la plage de l'hôtel Imperial Marhaba, abattant une dizaine de personnes. Il était ensuite entré dans l'hôtel cinq étoiles où il avait continué à faire feu. Il avait parcouru à pied près de 3 km entre le moment où des complices l’avaient déposé et le moment où il avait été tué par les forces de sécurité.
Au total, 38 personnes dont 30 Britanniques et huit Tunisiens ont été tués dans cet attentat revendiqué par le groupe Etat islamique.
La réponse de la police «aurait pu et dû être plus efficace», a déclaré le magistrat dans ses conclusions à l'issue de plusieurs semaines d'auditions devant la Cour royale de justice de Londres. «Au mieux elle a été chaotique, au pire elle a été lâche», a-t-il ajouté. Il a souligné que les gardes de l'hôtel, au nombre de trois seulement, n'étaient pas armés et n'avaient même pas de talkie-walkie. Pour Nicholas Loraine-Smith, les retards des forces de l’ordre ont été «délibérés et injustifiables».
Au début des auditions en janvier 2017, une avocate des familles des victimes avait accusé les forces de sécurité tunisiennes d'avoir tardé à intervenir. «Les unités qui auraient dû intervenir (...) ont délibérément, et de manière injustifiable, ralenti l'allure afin de retarder leur arrivée à l'hôtel», avait affirmé Samantha Leek. Elle s’appuyait sur les conclusions d'un rapport tunisien remis aux autorités de Londres. Selon un autre avocat, Andrew Richie, le document pointait des «failles» dans la sécurité.
«La police n’était pas préparée»
Interviewé par la BBC, l'ambassadeur tunisien au Royaume-Uni, Nabil Ammar, a admis que «la police n'était pas préparée comme elle aurait dû l'être». Depuis, «la sécurité a été nettement améliorée» dans les hôtels et dans tout le pays, a-t-il affirmé. Le pays se trouve sous état d'urgence permanent depuis l'attentat suicide du 24 novembre 2015 en plein Tunis contre un bus de la sécurité présidentielle (12 agents tués).
L'économie tunisienne est très dépendante du tourisme. Malgré l'insistance des autorités de Tunis, le gouvernement de Londres continue de déconseiller les voyages non essentiels dans le pays. Lequel est d'ordinaire fréquenté chaque année par des centaines de milliers de touristes britanniques.
Six membres des forces de sécurité tunisiennes seront jugés
Hasard du calendrier ? Six membres des forces de sécurité tunisiennes ont été inculpés et seront jugés pour «non-assistance et secours à une personne en péril provoquant sa mort» au terme de l'enquête en Tunisie sur l’attaque de Sousse. 33 personnes au total sont poursuivies dans ce dossier, «dont 14 en état d'arrestation, 12 maintenues en liberté (parmi eux la sécurité de l'hôtel) et sept autres en cavale», a révélé le porte-parole du pôle anti-terroriste, cité par l’agence TAP. Selon cette source, «le juge d’instruction (tunisien) a clos l’enquête le 4 juillet 2016 et transmis le dossier à la cour d’appel qui l’a renvoyé, à son tour, à la chambre criminelle. La date du procès n’a pas encore été fixée».
Nicholas Loraine-Smith a en revanche dédouané de toute responsabilité le tour opérateur TUI, par lequel étaient passés les touristes britanniques. Mais les proches des victimes comptent s'appuyer sur l'enquête pour lancer des poursuites contre TUI au civil, a annoncé leur avocat le 28 février 2017.
Leurs familles reprochent notamment au voyagiste de ne pas avoir suffisamment informé ses clients des avertissements du gouvernement britannique concernant les séjours en Tunisie.