La Tunisie a reçu des promesses d'aides financières et d'investissements s'élevant à «34 milliards de dinars» (environ 14 milliards d’euros) pendant une conférence des investisseurs organisée à Tunis fin novembre 2016. Une conférence, inaugurée par le président Béji Caïd Essebsi, destinée à venir en aide à une économie engluée dans la morosité six ans après la fin de la dictature.
La somme de 34 milliards se décompose en «15 milliards de dinars (7,8 milliards d’euros) en accords» fermes et «19 milliards (6 ,15 milliards d’euros) en promesses» d’aide, a annoncé le Premier ministre, Youssef Chahed. Ces aides, des prêts pour l’essentiel, sont vitales pour un pays qui se dit «en état d’urgence économique» six ans après sa révolution. Elles doivent notamment permettre de financer des projets d’infrastructures parfois en panne depuis la chute du dictateur Ben Ali en janvier 2011.
Le pays se trouve dans une situation difficile. La croissance est atone (1,2% au 1er semestre 2016), l'appareil productif est au ralenti et le chômage est massif (15,5% au 3e trimestre 2016). En janvier 2016, la Tunisie a connu sa plus importante contestation sociale depuis la révolution. Fin août, un gouvernement d'union est entré en fonctions après que son prédécesseur a été jugé en échec sur ces dossiers. Il proclame régulièrement que le pays est en état d'urgence sécuritaire - du fait des menaces djihadistes - mais aussi économique.
Tunis a dû conclure en mai un nouveau plan d'aide auprès du Fonds monétaire international (FMI) de 2,6 milliards d'euros sur quatre ans. Dans ce contexte, «l'appui donné jusqu'à présent à l'économie tunisienne n'a pas été suffisamment fort», a jugé le prochain secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, dans un message aux participants. «Pour le secteur privé, investir en Tunisie est une décision intelligente», a-t-il enchaîné.
En deux jours, la conférence Tunisia 2020 a rassemblé quelque 4500 représentants de près de 70 pays, selon les autorités tunisiennes. Elle a été marquée par des annonces de soutien accru de la part de pays du Golfe (Qatar, Koweït) et européens, essentiellement. Les principaux bailleurs de fonds, Banque africaine de développement (BAD) et Banque européenne d’investissement (BEI), ont aussi annoncé de nouvelles aides en faveur de l'unique pays rescapé des Printemps arabes.
«Carte des investissements»
Mais au-delà de cette opération de sauvetage, les autorités tunisiennes avaient assigné une autre mission à la conférence : celle de «remettre le pays sur la carte des investissements en Méditerranée».
Le responsable de PcW, un réseau d'entreprises spécialisées dans le conseil, Jean-Philippe Duval, a confirmé qu'un «certain nombre de questions politiques étaient posées par des investisseurs» eux-mêmes ces dernières années. Les crises politiques et sociales à répétition ont durablement refroidi certaines ardeurs. Entre 2011 et 2016, les rumeurs de départs de sociétés étrangères ont été légion.
Président du comité local des «conseillers du commerce extérieur de la France», Alexandre Ratle a noté la persistance de «difficultés». Car l’économie tunisienne reste plombée par le poids de l'informel et le fléau de la corruption. Les conflits sociaux restent par ailleurs nombreux, ce qui peut amener les investisseurs à rester réticents, reconnaît Jean-Philippe Duval.
A l'occasion de la conférence, le gouvernement tunisien a tenu à rappeler que le pays en comptait toujours quelque 3500 sur son sol. Il a dans le même temps plaidé pour l'amélioration du «climat des affaires», brandissant notamment l'existence d'un nouveau code de l'investissement après des années d'attente.
Alexandre Ratle parle de «ressenti plutôt positif». «On a le sentiment d'être au premier jour d'une nouvelle Tunisie. On sent une réelle volonté politique de (...) faire entrer le pays dans le monde économique moderne», a-t-il ajouté.
Autre avantage : les points forts de l’économie tunisienne. Certains participants à la conférence ont ainsi mis l’accent sur la Tunisie comme «pôle de compétitivité» pour les «industries automobile et aéronautique».
Conséquence: «le pays doit avoir une communication beaucoup plus forte auprès de l'extérieur, pour casser un certain nombre de mythes», a fait valoir Jean-Philippe Duval.
Dirigeante du groupe tunisien Onetech, spécialisé dans les câblage automobile et en matière de télécommunications, Lamia Fourati est ainsi venue témoigner que des «success-stories» avaient existé à l'ombre du Printemps arabe. Depuis 2011, «nous sommes passés de 360 millions de dinars à 600 millions de dinars (150 à 250 millions d'euros) de chiffres d'affaires, de 2300 à 4000 employés. Il y a plusieurs belles histoires comme celle-là après la révolution à raconter», a-t-elle clamé. De quoi redonner (un peu) de baume au cœur des Tunisiens…