Tunisie: une inquiétante sécheresse estivale

Le lac du barrage de Sidi Salem, près de Testour (nord-ouest de la Tunisie), se trouvait presque le 21 août 2016 (SIPA - MOHAMED HAMMI).

Même s’il a commencé à pleuvoir (et parfois violemment), la Tunisie a connu un été 2016 difficile en raison d’un important déficit pluviométrique. Une pénurie qui a renforcé les tensions sociales dans plusieurs régions défavorisées du pays.

Certes, l’automne arrive. Et les pluies avec… Mais ces pluies succèdent à une sécheresse estivale redoutable…

Pays de transition entre les climats méditerranéen et désertique, la Tunisie est depuis longtemps considérée comme un pays particulièrement concerné par les problèmes hydrauliques. Mais l’année 2016 a apparemment battu des records. Selon les chiffres officiels, on dénombrait mi-septembre 30% de pluies de moins qu’en 2015.

Dans un communiqué (en arabe) publié sur sa page Facebook le 10 août, l’Observatoire tunisien de l’eau, une association, n’hésitait pas évoquer une «révolte de la soif». Au cours de l’été, plusieurs manifestations de protestation d'habitants en colère, ont été rapportées par des médias locaux. A tel point que face à la sécheresse persistante, le ministère des Affaires religieuses a même appelé à des prières «pour la pluie».

Selon le ministre de l’Agriculture, Saad Seddik, la Tunisie se trouve en dessous du seuil de pénurie hydraulique avec des ressources annuelles en eau de 460 m3 par habitant.

Du fait de cette sécheresse, les pertes agricoles atteignaient mi-septembre près de deux milliards de dinars (plus de 800 millions d'euros) en 2016, selon l'Union tunisienne de l'agriculture et de la pêche, le principal syndicat du secteur. Depuis la mi-mai, plus de 700 coupures d'eau ont en outre été recensées par les autorités. Des coupures d’eau mal vécues.

Dans le même temps, la trentaine de barrages du pays, qui servent à l'irrigation des terres agricoles et à l'approvisionnement en eau potable, ont affiché pendant l’été des niveaux de remplissage alarmants. Fin août, leurs réserves étaient inférieures de 40% à celles de 2015 à la même période, selon des chiffres officiels.

La faute à l’agriculture ou aux ménages?
Autre problème : le niveau des puits profonds fournissant les régions sans barrages a baissé, dans certains cas de 25%, selon la Société nationale d’exploitation et de distribution des eaux (Sonede). Laquelle demande à la population de se montrer plus économe.

Pour autant, l’agriculture consomme 82% de l’eau du pays. Contre 14% pour les ménages, 5% pour l'industrie et 1% pour le tourisme, selon des chiffres officiels. «L'Etat n'a pas mis au point les stratégies nécessaires», accuse l’Observatoire de l’eau. Lequel déplore notamment «la vétusté des canalisations». De fait, les autorités reconnaissent que les vieux équipements sont responsables de 10 à 30% de pertes.

Selon son PDG, la Sonede n'a pas les moyens d'entretenir ou renouveler les canalisations en raison notamment des factures impayées d'usagers privés comme publics . Ce qui représenterait un manque à gagner de quelque 60 millions d'euros en 2016.

Pour répondre à la crise, le nouveau gouvernement tunisien assure que plusieurs projets de barrage, bloqués depuis la révolution de 2011, ont été relancés. Il prévoit aussi la construction de trois usines de dessalement d'eau de mer dans le sud du pays pour un coût estimé à 400 millions d'euros. Affaires à suivre…

Publié par Laurent Ribabeau Dumas / Catégories : Non classé