A l’occasion de la fête de l’Aïd al-Adha (en arabe : la fête du sacrifice), appelée aussi Aïd el-Kébir (en arabe : la grande fête), qui a eu lieu en Tunisie le 12 septembre 2016, la tradition est de sacrifier un mouton. Mais cette année, nombre de Tunisiens ont dû y renoncer.
Un Tunisien sur cinq ne sacrifierait pas de mouton en raison des problèmes économiques. Le 8 septembre, «à trois jours de l’Aïd al-Adha, ça ne se bousculait pas sur les points de vente au poids ou dans les espaces de ventes privées dans la région de Tunis», a constaté de visu le site directinfo. Lequel nous apprend au passage que le prix au kilo est de 10,5 dinars (4,2 euros). Selon l’Union tunisienne de l’agriculture et de la pêche (UTAP), citée par la radio jawharafm.net, «le prix de vente du kilo pour les moutons dont le poids ne dépasse pas les 45 kilogrammes a été fixé à 11 dinars, alors que pour les moutons pesant plus de 45 kilogrammes, le prix du kilo a été fixé à 10 dinars.»
Aux dires de l’UTAP, les prix ont baissé de 9%. Il n’en reste pas moins que l’achat d’un mouton «reste une dépense énorme pour la plupart des Tunisiens», constate RFI. Particulièrement en 2016, entre dépenses de rentrée et un pouvoir d’achat qui aurait baissé de 40% depuis 2011. Sans parler de dépenses incompressibles comme l’électricité.
(Caricature de Willis from Tunis en date du 8 septembre 2016)
Un million de moutons
Mais quitte à s’endetter, la tradition reste encore très vivante. Aux dires d’une enquête citée par l’agence de presse TAP, «près de 70% des Tunisiens consacrent entre 300 et 500 dinars à l’acquisition de moutons de sacrifice». Soit entre 121 et 161 euros. Ceux qui ne trouvent pas l’argent se contentent d’acheter de la viande dans le commerce.
Conséquence, «chaque année, près d’un million de moutons passent au sacrifice en une seule journée», affirme kapitalis dans un (excellent) article consacré au déroulement de la fête, à ses «rituels, senteurs et saveurs». «Ce qui constitue un véritable cataclysme pour le cheptel ovin», ajoute le site.
Dans le même temps, il nous apprend que le mouton devrait être âgé d’au moins six mois. Que la bête choisie va de l’agneau jusqu’au bélier, de préférence muni de cornes. Et que «certaines personnes fortunées achètent carrément deux moutons, un agneau pour le méchoui et un bélier pour le sacrifice».
Pour faire le bon choix, «on fait appel à des connaissances dans le ‘‘rif’’ (campagne), au souk plus ou moins bondé à cause des ‘‘gachara’’ (intermédiaires), qui vous racontent que leurs moutons viennent directement de Siliana (nord-ouest) ou de Oueslatia (nord) où ils broutent du thym et du romarin de la forêt aux fermes qui vendent au poids vif du producteur au consommateur, mais qui sont le fruit d’un élevage industriel intensif et sans goût», raconte kapitalis avec humour.
L’histoire d’Ibrahim et d’Ismaël
Reste à expliquer ce qu’est l’origine de cette importante fête, l’une des plus importantes célébrations musulmanes. Elle rappelle le sacrifice par Ibrahim (Abraham dans la tradition juive) de son fils Ismaël (Isaac pour les juifs). En acceptant d’égorger son enfant sur ordre de Dieu, en se soumettant à sa volonté, Ibrahim montre la force de sa foi. Mais au dernier moment, Dieu substitue un mouton à Ismaël. Pour rappeler l’évènement, les musulmans accomplissent chaque année le même type de sacrifice. Lequel est suivi de toute une série de festivités, principalement à l’intérieur de la famille. Festivités qui s’étalent, en général, sur plusieurs jours.