Par la voix de son ministère des Affaires étrangères, la Tunisie a condamné avec «force» «l’attaque terroriste lâche» sur la promenade des Anglais à Nice. Au-delà de cette condamnation officielle, comment réagit-on dans le pays ? Un pays qui a perdu quatre de ses ressortissants dans l’attaque et d’où est originaire le chauffeur du camion qui a foncé dans la foule.
Un garçon tunisien de quatre ans, porté disparu après l'attentat, a été retrouvé mort, portant le nombre de Tunisiens tués dans le drame à quatre, a annoncé le 15 juillet 2016 le ministère des Affaires étrangères à Tunis.
Cinq Tunisiens sont en outre toujours portés disparus depuis l'attaque revendiquée par le groupe extrémiste Etat islamique (EI), qui a fait 84 morts le 14 juillet. Le petit garçon a été retrouvé mort à l'hôpital. Sa mère fait partie des trois autres victimes tunisiennes identifiées.
De nombreux Tunisiens résident dans la région niçoise, qui se trouve à une heure de vol de Tunis.
Le chauffeur du camion qui a foncé dans la foule rassemblée pour les célébrations du 14 juillet, a été identifié comme Mohamed Lahouaiej-Bouhlel, un Tunisien de 31 ans domicilié à Nice et originaire de Msaken, près de Sousse (centre). Une enquête judiciaire a été ouverte par le pôle antiterroriste tunisien, du fait de la nationalité de l'auteur présumé et de la présence de ressortissants tunisiens parmi les victimes.
La Tunisie, tout comme la France, a été frappée depuis un an et demi par une série d'attaques djihadistes qui ont fait des dizaines de morts, dont 59 touristes étrangers. Les deux pays figurent parmi les nations comptant le plus de ressortissants au sein d'organisations djihadistes comme l'EI.
Un homme «normal» ?
A Msaken, ville d’origine de Mohamed Lahouaiej-Bouhlel, ses proches de souviennent d’un homme «calme», rapporte RFI. «Dans le quartier, tous évoquent un ‘‘homme normal’’, pas du tout radicalisé, qui ne faisait pas la prière et pratiquait à peine le ramadan». En France, le procureur de Paris a expliqué que cet homme «n’avait jamais fait l’objet du moindre signalement pour radicalisation». Il était connu de la police pour des violences conjugales. Quant à son père, il met en avant des antécédents psychiatriques.
Pour le journal tunisois La Presse, ce sont «les valeurs républicaines» qui ont été «ciblées» avec l’attentat de Nice.
Les «erreurs stratégiques» des Occidentaux
« ‘‘Un attentat barbare et lâche’’, ‘‘un acte ignoble’’, ‘‘Sousse (touchée par une attaque salafiste le 26 juin 2015, NDLR) et Nice liées par un accord de jumelage sont la cible des semeurs de mort’’. Hier, vendredi 15 juillet, on ne trouvait pas les mots justes, on montrait un sentiment d’impuissance et de désolation face à l’attaque terroriste qui a ciblé, jeudi soir, la ville française de Nice au moment où les Niçois et leurs hôtes de diverses nationalités célébraient, au cours d’une belle nuit d’été, la fête du 14 Juillet, la fête au cours de laquelle les Français et les peuples libres ont pris l’habitude de rendre hommage à la liberté, à la démocratie, à la coexistence pacifique, à la tolérance et à l’entente entre les hommes», commente le quotidien francophone.
«Nice, ‘‘l’émeraude’’ de la Méditerranée à une heure de vol de Tunis-Carthage avec l’une des plus belles avenues au monde, vue sur mer et sa ‘‘promenade des Anglais’’, Nice l’hospitalière comme une fleur de la générosité et de l’humanité de la France, Nice blessée, martyrisée, par la main criminelle de l’obscurantisme des temps des ténèbres et de ‘‘l’Etat’’ assassin de Daëch, (…) qui a profité en premier lieu du droit humanitaire et d’asile pour viser au cœur le système démocratique et libéral occidental et mondial !», commente de son côté Le Temps, autre quotidien francophone de Tunis.
Pour le journal, «nos amis français, ce peuple brave et attachant, l’un des plus éclairés de l’humanité» devraient «comme nous tous, en Tunisie, faire un audit sérieux de leurs erreurs stratégiques». Que faut-il comprendre par là ? Une trop grande tolérance «face ces courants rétrogrades financés à coup de milliards de dollars par des pays vivant l’âge de la pierre taillée, et qui ont infiltré les maisons de Dieu, les mosquées, les ‘‘Medersas’’ (écoles) et les associations dites de bienfaisance caritatives, par des prédicateurs grandes gueules hors normes élevés au couvoir des confréries des ‘‘Frères musulmans’’ et autres apôtres du salafisme radical».
«Les uns au nom de ‘‘ça n’arrive qu’aux autres’’, les autres au nom de la solidité du système social et démocratique homogène et bien enraciné dans la culture européenne et occidentale, et d’autres surtout hommes d’Etat et grands capitalistes et d’affaires multinationales, au nom des intérêts pétroliers et des marchés mirobolants, tous, ont laissé faire et la conquête de ‘‘l’Occident démocratique et libéral’’ a germé comme les fibres des mauvaises herbes dans le tissu social et identitaire de l’humanité démocratique et pluraliste, en profitant du laxisme des lois elles-mêmes et des systèmes de contrôle sécuritaires et judiciaires», poursuit Le Temps.
Le soutien des Occidentaux à des groupes djihadistes classés comme «opposition démocratique» au régime syrien «ne fait qu’encourager la nébuleuse terroriste à frapper là où elle veut et quand elle veut en Europe et ailleurs», estime le quotidien tunisois.