Scandale en Tunisie : le propriétaire de la pâtisserie Le Mirador à Carthage, banlieue chic de Tunis, a fait abattre sans autorisation un eucalyptus géant le 22 février 2016. Un abattage qui a suscité l’indignation de résidents du quartier qui ont réclamé l’intervention des autorités. Trois jours plus tard, c’est chose faite : l’homme a été condamné à trois mois de prison ferme «pour atteinte aux biens d’autrui».
Le condamné, qui a aussi écopé d’une amende de 1000 dinars (415 euros), dispose de 10 jours pour faire appel. Faute de quoi, il sera placé sous les verrous. Dans le même temps, le président du conseil municipal de Carthage et son second ont été limogés.
Apparemment, le pâtissier n’appréciait pas que l’arbre centenaire dissimule la façade de son commerce… Selon une autre source, il a décidé de l’abattre «pour le simple confort» de la toiture de son magasin.
L’image de l’arbre débité et tronçonné a fait le tour des réseaux sociaux. Un internaute, qui répond au pseudo d’Hamilcar, a ainsi balancé un tweet dédié à l’«impitoyable peuple de Carthage» qui s’est levé contre le «massacre». Il y a joint une très courte vidéo représentant une sosie du général carthaginois Hamilcar (247-183 av. J.-C.) au physique d’Elvis Presley jeune: comme les empereurs romains lors des jeux du cirque, il abaisse son pouce d’un air magistral, un geste signifiant : «Pas de pitié !»
Impitoyable Peuple de Carthage, tu as dit ton mot : 3 mois fermes pour le "massacreur" de l'eucalyptus. #Tunisie pic.twitter.com/EdC7gx1wTk
— Hamilcar (@HamilcarB) 25 février 2016
De nombreux internautes ont réclamé une sanction contre le commerçant. Une pétition a été signée par plus de 2000 personnes contre ce «massacre à la tronçonneuse». «C’est un arbre, qui nous permet de vivre, nous protège et égaye notre environnement. Il est sans défense et sert de refuge aux oiseaux… C’est un arbre que nous ont transmis nos grands-pères et que nous aurions voulu transmettre à nos descendants. C’est un arbre symbole de toutes les dégradations sauvages que font subir à notre environnement les cupides sans foi ni loi. Ils se savent protégés et se croient plus puissants que l’immense majorité silencieuse. Mais il faut que ça cesse», se sont (très littérairement) indignés certains habitants de Carthage, cités par le site kapitalis. Visiblement, ils ont donc été suivis. D’où cette réaction ironique sur Twitter :
Si la pauvreté avait suscité la même mobilisation que l'Eucalyptus de Carthage nous n’en serions pas à compter nos morts en Syrie #tunisie
— Fathi Ben Mbarka (@aboufares) 23 février 2016
Au-delà, d’autres citoyens regrettent que les eucalyptus soient régulièrement victimes de coupes illégales dans le pays, en particulier depuis la révolution de janvier 2011. Sans réaction aucune des autorités. Ces arbres sont notamment utilisés dans la construction navale, la fabrication de panneaux de bois…
Le site de France 24 cite ainsi le cas de la ville de Menzel Bourgiba (nord) où huit de ces arbres ont été abattus en janvier. Déjà en 2010, la mairie en avait cédé 358 qu’elle aurait vendus 7000 dinars (3129 euros), selon le site businessnews. Aux dires de la mairie, ils étaient devenus dangereux. Ces végétaux ont été «traqués comme une peste noire», tonne le site cité ci-dessus..
«En Tunisie, les plus vieux peuplements d’eucalyptus datent du protectorat français», rappelle mille-et-une-tunisie. Le pays figure parmi l’un des rares au monde «où l’arbre, un être parfaitement ancré dans l’imaginaire collectif des Tunisiens, est vénéré aussi bien par le haut responsable que par le citoyen lambda», affime businessnews. Donc, n’y touchons pas !