Des heurts ont éclaté le 19 janvier 2016 à Kasserine, capitale d’une région défavorisée dans le centre-ouest de la Tunisie, à la suite, trois jours plus tôt, du suicide d’un chômeur. Un couvre-feu a été décrété par les autorités. Depuis la révolution de 2011, plusieurs mouvements de protestation ont dégénéré dans la ville, sur fond de misère et de chômage.
Ridha Yahyaoui, 28 ans, s'est électrocuté après être monté sur un poteau près du siège du gouvernorat. Ils entendaient ainsi protester contre son retrait d'une liste d'embauches dans la fonction publique.
En fin de matinée, le 19 janvier, entre 500 et 1000 personnes s'étaient rassemblées devant le siège du gouvernorat en scandant «Le travail est un droit». Selon un responsable du ministère de l'Intérieur, «certains ont lancé des pierres, d'autres sont montés sur le toit du gouvernorat. La police les a dispersés avec du gaz lacrymogène».
TAP : Heurts à #Kasserine : Vingt trois blessés, dont vingt civils, la plupart des cas d'asphyxie (Directeur régional de la santé)
— Seif Eddine TRABELSI (@seifeddinetr) 19 Janvier 2016
«Quatorze personnes se trouvent à l'hôpital régional, toutes pour des blessures légères», a par la suite indiqué à l'AFP le gouverneur de Kasserine, Chedly Bouallègue. Selon la direction régionale de la Santé, citée par l’agence TAP, «les heurts ont fait vingt-trois blessés, dont vingt civils, la plupart des cas d’asphyxie, et trois militaires et policiers». Parmi eux «deux jeunes ayant tenté de se suicider». Toutes ces personnes ont quitté l’hôpital, précise la source.
Quelques heures plus tôt, des habitants de Kasserine avaient eux aussi brûlé des pneus, et coupé l'une des principales rues de la ville, tandis que l'armée s'était déployée devant le siège du gouvernorat. Des commerces, ainsi que la poste et des écoles, ont fermé plus tôt que d'habitude en raison des troubles.
De source sécuritaire, des incidents ont été signalés à Thala, à 50 km au nord de Kasserine, où des manifestants ont brûlé des pneus en signe de soutien. Le 17 janvier, suite au décès de Ridha Yahyaoui, plusieurs dizaines d'habitants avaient déjà exprimé leur colère à Kasserine. Le lendemain, 150 à 200 personnes avaient également protesté sur l'avenue Habib Bourguiba à Tunis, en brandissant des portraits du jeune homme. En Tunisie, ce type de geste est devenu un symbole depuis l’immolationl, le 17 décembre 2010, de Mohamed Bouazizi, à l’origine de la révolution du 14 janvier 2011.
Un haut responsable du gouvernorat de Kasserine a été limogé à la suite de ce décès et la présidence du gouvernement a annoncé l'ouverture d'une enquête.
Depuis la révolution de 2011, la région de Kasserine, l'une des plus pauvres de Tunisie, a plusieurs fois connu des mouvements de protestation dégénérant parfois en affrontements violents avec la police, sur fond de misère et de chômage. Elle appartient à ces régions de l’intérieur défavorisées, délaissées dans le passé au profit du littoral.
Kasserine, ville pauvre A cet égard, le magazine web tunisien Inkyfada a mis en ligne sur Twitter un graphique avec les «chiffres clés de Kasserine» (dont il ne cite pas les sources), comparés à ceux de Tunis ou à la moyenne nationale. Un bon croquis vaut parfois mieux qu’un long discours, comme aurait pu dire Napoléon…
Les mêmes causes donnent les mêmes effets. #Kasserine région victime #Tunisie https://t.co/AjsMqiyhCp pic.twitter.com/y4qW9lNgR1
— inkyfada | إنكيفادا (@inkyfada) 19 Janvier 2016
A noter toutefois que certains de ces chiffres ne coïncident pas avec ceux fournis par le site investintunisia (lequel explique que «la région dispose d’importantes richesses naturelles qui constituent la base d’une multitude d’opportunités d’investissement de transformation»). Exemple pour le taux de «desserte en eau potable» : Inkyfada donne 50% pour Kasserine, investintunisia 100%...
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