Le ministre de la Justice, Mohamed Saleh Ben Aissa, a été révoqué le 20 octobre 2015 par le Premier ministre, Habid Essid. Officiellement pour des divergences à propos d’un projet de loi controversé instaurant un Conseil supérieur de la magistrature. Mais M. Ben Aissa avait aussi publiquement pris position contre l’article 230 qui punit l’homosexualité de trois années d’emprisonnement.
Le 28 septembre, le ministre, professeur de droit public et ancien doyen de la faculté des sciences juridiques de Tunis, s’exprime au micro d’une radio privée. «Pour moi, le problème, c’est l’article 230», explique-t-il alors, à la suite de la condamnation d’un étudiant à de la prison. «Après l'adoption de la nouvelle Constitution, il n'est plus admis de violer les libertés individuelles, la vie privée et les choix personnels, même sexuels...», ajoutait-il. En clair, «ce juriste érudit, qui ne se réclame d’aucun parti» (Le Point), appelait ainsi, ouvertement et publiquement, à dépénaliser l’homosexualité.
A la présidence de la République, ces propos n’ont pas plu. Interrogé lors d’un voyage en Egypte, le président Béji Caïd Essebsi s’est fermement opposé à une telle dépénalisation: «Cela ne se produira pas !», a-t-il insisté. Et, d’ajouter, désavouant son ministre : «Le ministre de la Justice n’engage que lui ! Sa demande n’engage pas l’Etat». De là à penser que Mohamed Saleh Ben Aissa a perdu son poste pour cette raison…
Dans une dépêche AFP, en date du 20 octobre, ce dernier explique que sa déclaration «a causé des problèmes, mais elle n'est pas la cause de ce limogeage». Mais dans une interview publié le lendemain sur le site du Point, lorsqu’on lui demande si l’ancien ministre pourrait «payer» ses propos sur l’homosexualité, il répond : «Je ne peux pas l'exclure, je ne peux pas le confirmer. Mais c'est un peu tacite…»
«Tacite», ou non, il n’en reste pas moins que le sort de homosexuels en Tunisie va continuer à être difficile…
Dans son interview au Point, Saleh Ben Aissa en profite pour égratigner tout en finesse le Premier ministre. «Je pense que les relations entre le chef du gouvernement et ses ministres sont restées sur un modèle ancien. Les ministres sont traités de façon "administrative". On n'a pas compris qu'il faut évoluer avec la nouvelle Constitution, les principes révolutionnaires…». Ce qui semble dire : Habid Essid a une conception assez rigide des rapports avec les membres de son équipe gouvernementale, en dépit des changements politiques survenus dans le pays après le 14 janvier 2011. Un peu sur le mode : «Tu obéis, tu te tais. Ou tu dégages !»
Lire aussi dans le blog Tunisie la démocratie en marche
L'homosexualité en Tunisie: bientôt du nouveau?
Tunisie : condamné à de la prison pour homexualité avec le «test de la honte»