«L’inquiétant silence des plages de Tunisie», titrait «Libération» le 16 juillet 2015. Depuis l’attentat de Sousse, le pays est déserté par les touristes. Un drame pour le pays : le tourisme emploie 14 % de sa population active. Et si la Tunisie payait aujourd’hui le prix de son tourisme balnéaire de masse?
Depuis l’attentat de Sousse le 26 juin 2015, le tourisme tunisien s’est effondré. Selon les chiffres des professionnels français, il y a eu «environ 50 à 80% d’annulations» pour juillet et «20 à 30 % pour les départs en août et en septembre».
Les autorités tunisiennes ont bien tenté de réagir. Elles ont proclamé l’état d’urgence. Déployé un millier de gardes armés sur les plages. Décidé des mesures financières comme l’octroi de prêts exceptionnels, la baisse de la TVA.
Problème : la confiance des clientèles européennes n’est pas là. La Grande-Bretagne a ainsi recommandé aux touristes britanniques de quitter le pays, doutant que «les mesures mises en place (par Tunis) soient suffisantes pour protéger actuellement» ses ressortissants. Surtout, Londres juge qu’une «nouvelle attaque est hautement probable». Le Danemark a fait les mêmes recommandations en raison du risque «élevé» d’un autre attentat. De son côté, Paris conseille aux Français d’«être particulièrement vigilants».
Le Premier ministre tunisien, Habib Essid, a expliqué que son pays avait fait «tout son possible» pour protéger les intérêts étrangers. Mais que la situation restait «fragile»…
Les Tunisiens sont donc, légitimement, très inquiets. Ils ne savent plus forcément quoi faire pour rétablir la confiance et faire revenir les indispensables touristes. Car «si le tourisme s’écroule, l’économie s’écroule», fait remarquer la ministre chargé du secteur, Selma Elloulmi Rekik.
Les limites du tourisme de masse
Et si en fait, la question était plus vaste, dépassant ainsi l’actuelle conjoncture ? «Au fait, la Tunisie paye aujourd’hui le tribut d’un choix qui date des premières décennies de l’indépendance. Le choix de bâtir une économie sur les services et sur la rente, rapide mais fragile, du tourisme balnéaire. Cela a pourtant donné ses fruits des années durant, mais des signes d’essoufflement ont commencé à émerger bien avant le soulèvement de 2011», constate le journal tunisien La Presse.
L’analyste en assurance Bassem Ennaifar, cité par Huffington Post, évoque ainsi la «stratégie peu réfléchie» des autorités tunisiennes qui «a abouti à une capacité d’offre non diversifiée et presqu’exclusivement basée sur le tourisme balnéaire». Et a provoqué une «surcapacité». Laquelle «a amené les hôtels à dépendre des tours opérateurs internationaux pour la vente de leur produit». Des «hôtels coûteux, exagérément marbrés», note un chercheur tunisien cité par Libération (accès payant).
Dans le même temps, « le tourisme intérieur est resté marginal par rapport à la demande étrangère, vu l'étroitesse du marché local d'une part et le peu d'intérêt accordé historiquement au développement de ce secteur par la profession et les autorités d'une autre part. Il n'a donc pas pu constituer un soutien et une compensation pour le secteur en période de crise internationale», explique Bassem Ennaifar. Autre élément : la stratégie tunisienne n’a pas cherché la diversification. A l’inverse de concurrents comme la Turquie qui ont élaboré «une large gamme de produits auxiliaires et ont élaboré des niches de marché» (golf, tourisme d’affaires...).
«L’atout de la Tunisie, c’est le balnéaire avec un bon rapport qualité prix. Elle est positionnée sur un tourisme de masse. C’est ce qui a fait son succès. Et pour nous, c’est par là que ça doit redémarrer. Faire des choses plus sophistiquées, voire haut de gamme, oui, mais ce n’est pas cela qui va attirer des centaines de milliers de visiteurs qui manquent», rétorque-t-on au Syndicat national (français) des agents de voyage (SNAV), cité par le site de TV5.
Commentaire de La Presse : «Aujourd’hui, avec les menaces sécuritaires, il serait peut-être inopportun de continuer à soutenir un secteur mourant et qui fonctionne à perte. C’est plutôt la Tunisie qu’il faut sauver de ce tourisme archaïque vers un tourisme plus innovant et plus rentable. Les finances de l’Etat obligent»…