En Tunisie, le ramadan a commencé le 18 juin 2015. Du lever au coucher du soleil, l’activité du pays se met en berne sous une chaleur écrasante (jusqu’à 37° le 23 juin 2015 !) en ce début d’été. Choses vécues à Tunis.
«Encore un accident de ramadan. Les conducteurs sont fatigués et énervés. Ils vont vite. Et on voit le résultat !», raconte un chauffeur de taxi bougon en passant devant un groupe de voitures réunies le long de la route.
Le jeûne commence en milieu de nuit pour se terminer au coucher du soleil, vers 20h45. Evidemment, il n’est pas facile de tenir toute la journée sans manger. Ni boire… «En effet, c’est dur. Mais on compense par le côté spirituel. Ainsi, on peut ressentir ce que ressentent les pauvres et ceux qui n’ont rien. Et puis, le respect du ramadan n’est pas unilatéral. En sont exclus les malades et les enfants jusqu’à la puberté», explique un homme d’affaires. «Il faut voir aussi qu’il varie en fonction des cycles lunaires. Résultat : le ramadan a lieu à différentes époques de l’année. En hiver, c’est nettement plus facile à supporter parce que les nuits sont beaucoup plus longues !», poursuit l’homme d’affaires.
La privation volontaire de nourriture er de boisson a forcément des conséquences sur le plan économique. «Pendant le ramadan, nous ne travaillons que six minutes par jour», assure un Tunisois. Exagération toute méditerranéenne… Mais pour autant, c’est vrai que la vie du pays tourne au ralenti. Les magasins sont souvent fermés. «Les restaurants et les cafés en profitent pour faire des travaux», observe un autre Tunisois. «Même dans les hôpitaux et sur les campus universitaires, les cafétérias sont fermées», assure une infirmière. Les administrations et les entreprises fonctionnent grosso modo de 8h à 13-14h. Ensuite, c’est beaucoup plus aléatoire…
Et puis, vers 19h45, c’est la rupture du jeûne, après l’appel à la prière dite du maghreb (en arabe : le coucher du soleil). Tunis commence alors à s’animer. «Moi, je rentre chez moi», explique Fayçal, 46 ans, rencontré dans la médina. «On se retrouve avec ma famille. Ma femme et mes filles préparent le repas. On chante, on danse», dit-il tout joyeux. Et d’ajouter : «L’islam, c’est la tolérance ! Ceux qui commettent des attentats ne sont pas musulmans», ajoute-t-il en montant dans sa voiture dont le siège avant est couvert de deux drapeaux : un tunisien et un… français. «Je suis un ami de la France !», dit-il en s’engouffrant dans son véhicule.
Vers 22h30, la fête bat son plein dans la vieille ville. Sur les petites places joliment restaurées, on s’assied à des terrasses de café qui ont envahi les lieux. Accompagnés par des petits orchestres, des chanteurs entonnent au micro des chansons à la gloire du prophète Mohammad. «Ici, c’est une tradition ramadanesque: à 22h30, les gens sortent à la fin des feuilletons télévisés diffusés uniquement pendant le ramadan. Ces feuilletons sont très populaires», raconte Fatma, une adolescente de 17 ans. «Son père est cinéaste. Au lycée, ses amis lui demandent toujours s’il ne pourrait pas écrire un scénario pour le ramadan et les prendre ensuite dans le casting», précise sa mère en riant.
Les rues de la médina sont noires du monde. On a du mal à s’y frayer une chemin. La fête va continuer jusqu’au bout de la nuit. Les problèmes de la Tunisie semblent loin.
Mais ils n’ont pas disparu pour autant… Un journaliste nous montre sur le site Business News, réputé proche du pouvoir, une vidéo où l’on voit, de manière un peu confuse, des policiers qui seraient en train de fermer un café le 22 juin 2015. Une vidéo qui aurait été tournée à Gammarth, banlieue huppée de la capitale tunisienne. Titre de la vidéo : «Quand ceux qui ne jeûnent pas sont traités comme des criminels». Reste à vérifier la véracité des faits. «Mais pour moi, ces faits sont tout à fait plausibles», commente le confrère…