Un couvre-feu a été décrété à Douz (sud de la Tunisie), a annoncé le ministère de l’Intérieur le 5 juin 2015 en raison de violences sporadiques dans la région. Depuis le 2 juin, des manifestations ont lieu devant des infrastructures pétrolières suite à l’annonce, début mai, de la découverte de réserves d’or noir dans la région. Point de départ : une campagne sur Facebook, sans doute assez révélatrice de la Tunisie d’aujourd’hui…
Depuis le 2 juin, Douz est le théâtre de violences sporadiques depuis que des habitants réclamant des emplois et le développement de la région ont été empêchés de manifester devant une compagnie gazière, a indiqué à l'AFP un responsable local. Le Point Afrique parle, lui, d’installations pétrolières.
Toujours est-il que des affrontements opposent policiers et manifestants par intermittence. Les protestataires ont bloqué des routes en brûlant des pneus et ont jeté des pierres sur les forces de l'ordre, qui ont répliqué par du gaz lacrymogène, a indiqué le responsable cité par l’AFP
Le 5 juin, «les sièges de la garde nationale et de la police ont été saccagés et des véhicules incendiés», rapporte Le Point Afrique. Une manifestation a également eu lieu à Tunis le 6 juin.
Une campagne, lancée anonymement sur Facebook et intitulée «Winnou El Petrole» («Où est le pétrole ?» en arabe) serait à l’origine de ce mouvement. La réaction sur les réseaux sociaux a été forte. Et «a débouché sur des manifestations réelles», observe Le Point Afrique. Apparemment, la campagne déplaît aux pouvoirs publics. Le ministre de l’Industrie, Zakaria Hamad, n’hésite pas à dire qu’elle nuit aux investissements étrangers en Tunisie…
Ce qui a mis le feu aux poudres, c’est peut-être «une annonce faite début mai, par Edward Van Kersbergen, président exécutif de Mazarine Energy, groupe néerlandais d’exploration et de production de pétrole et de gaz», explique le site webdo.tn. Ce dernier annonçait la découverte de pétrole, selon cette source confirmée par kapitalis.com. Et plus précisément «la première découverte sur le permis de Zaâfrane». «L’exploitation du puits Cat-1 à Chouchet El Atrous, à Douz, est un véritable succès. Cette découverte laisse envisager un grand potentiel», poursuivait Edward Van Kersbergen.
Problème : les autorités tunisiennes se montrent nettement plus prudentes. «Le total des réserves du pays n’excéderait pas 419 millions de tonnes équivalent pétrole (Tep). 187 millions auraient déjà été extraits», croit savoir webdo.tn. A titre d’exemple, les réserves algériennes représenteraient 45 milliards de tonnes… Pour autant, le conditionnel s’impose. Car il est compliqué d’avoir des éléments d’information précis et fiables sur les réserves d’hydrocarbures en Tunisie…
Sur Facebook circulent des informations selon lesquelles la Tunisie détiendrait «l’équivalent de 1/7e des réserves du Qatar» en pétrole. «La Banque européenne d’investissement réaffirme l’existence d’importantes réserves de gaz» en Tunisie, selon le site leblogfinance.com. En 2012, déjà, le site Agora Vox, qui se définit comme un «média citoyen», affirmait que la Tunisie serait «très courtisée» pour ses hydrocarbures. Rumeurs, vous avez dit rumeurs ? D’autant que les grands médias et des sources indépendantes n’ont pas confirmé ces données…
Toujours est-il que ce n’est pas un hasard si les manifestations ont éclaté à Douz. Pour une population pauvre dans une région déshéritée où le chômage est endémique, l’annonce de la découverte potentielle de pétrole est une opportunité de taille. Les on-dits et les rumeurs se sont greffées sur l’affaire et trouvent aujourd’hui un large écho dans les réseaux sociaux.
«Avec la démocratie naissante, une partie de l’opinion exige la transparence quant aux contrats passés entre l’État et les sociétés pétrolières. Entre les lignes, ‘‘Winou El Petrole’’ suggère que la Tunisie possède des richesses importantes en or noir et en gaz. Richesses qui seraient au mieux inexploitées, au pire pillées», constate Le Point Afrique. Dans un pays où la corruption est répandue, pas étonnant que la méfiance soit de mise…