Le président tunisien Béji Caïd Essebsi, qui effectue en France sa première visite en dehors du monde arabe, a été accueilli le 7 avril 2015 avec tous les honneurs par son homologue François Hollande aux Invalides à Paris pour une visite d'Etat de deux jours sur fond de menace djihadiste croissante.
Une visite qui intervient une dizaine de jours après celle effectuée par le chef de l'Etat français à Tunis. Ce dernier avait participé à une grande marche de protestation contre le terrorisme après l'attaque sanglante, le 18 mars, contre le musée du Bardo (22 morts, dont 21 touristes, parmi lesquels quatre Français).
Geste rare, réservé jusqu'à présent au seul président chinois Xi Jinping, François Hollande a reçu en personne son homologue à l'Hôtel des Invalides. Une manière de souligner une nouvelle fois l'attachement de la France au processus démocratique en Tunisie, pays pionnier des printemps arabes.
Lors d'une conférence de presse à l'Elysée, les deux dirigeants ont lancé chacun un appel à leurs compatriotes respectifs. «Je pense à tous les Tunisiens qui vivent en France et aussi aux Français qui sont en Tunisie. Parce que nos rapports ne sont pas faits que de relations politiques, même étroites, d'amitié entre chefs d'Etat, c'est aussi une relation humaine qui unit la France et la Tunisie», a dit François Hollande. «La majorité des Tunisiens qui sont ici en France sont des Français. A ce titre, ils ont droit à un traitement égal», a déclaré de son côté Béji Caïd Essebsi. «Je dis à mes concitoyens : continuez à ‘‘vivre dans ce pays qui vous accueille, respectez ses lois et restez de bons musulmans’’». Il a invité à faire la différence entre islamisme et islam, «une religion d'ouverture, une religion qui accepte de cohabiter avec les autres religions».
Les discussions
La menace djihadiste croissante depuis la révolution de 2011, qui a culminé avec l’opération contre le Bardo, et la coopération en matière de défense et de sécurité sont au cœur des entretiens à Paris. Le 7 avril, trois soldats ont été tués mardi et six autres blessés dans une embuscade dans la région de Kasserine, une zone d'opérations de djihadistes armés dans le centre-ouest du pays. Depuis décembre 2012, une soixantaine de policiers, gendarmes et soldats ont ainsi été tués dans des embuscades ou des explosions de mines dans cette région. De plus, Tunis regarde d'un œil inquiet son voisin libyen basculer dans le chaos.
Autre sujet de coopération : la coopération économique.
Le secteur du tourisme, stratégique, a subi un rude coup après l'attentat du Bardo, avec des réservations en chute de 60%, selon le Syndicat national français des agents de voyages (SNAV).
«La France est notre premier partenaire, nous souhaitons qu'elle comprenne mieux le problème» de l'économie tunisienne qui peine à se redresser, a déclaré Béji Caïd Essebsi dans une interview accordée au Monde à la veille de sa visite. «Nous sommes très ouverts à toute sorte de coopération dans les domaines culturel, scientifique, économique, politique social et même sécuritaire», a-t-il souligné.
Selon le ministre des Affaires étrangères Taïeb Baccouche, des négociations sont en cours avec la France et les Émirats arabes unis pour l'acquisition d'armes.
La France est le premier partenaire commercial de la Tunisie et son premier investisseur extérieur. Quelque 1300 entreprises françaises, employant plus de 125.000 personnes, sont implantées en Tunisie. Elle est aussi le premier pays pourvoyeur de touristes et le premier bailleur de fonds bilatéral.