Tunisie : déchiffrer l’incertitude à travers les chiffres…

Récolte d'olives en Tunisie à Sidi Tabet, près de Tunis, le 13 novembre 2012. La baisse de la récolte en 2014 explique en partie l'aggravation du déficit agricole la même année. (Photo: Reuters - Zoubei Souissi)

Le nouveau gouvernement tunisien, dirigé par le premier ministre désigné Habib Essid, 65 ans, connaît quelques ratées. Le vote de confiance, initialement prévu le 27 janvier 2015, a été reporté. Pendant ce temps, la situation économique ne s’améliore pas. Loin s’en faut. Et la Tunisie s’endette. Tour de la question en chiffres…

La liste gouvernementale de 24 ministres et 15 secrétaires d'Etat comprend neuf femmes, dont trois ministres (Culture, Femme et Famille, Formation professionnelle). Elle est conduite par Habib Essid, ex-ministre de l’Intérieur juste après la révolution du 14 janvier 2011 et secrétaire d’Etat à l’Environnement sous Ben Ali. Durant la même période, il avait aussi été chef du cabinet du ministre de l’Intérieur.

L'Union patriotique libre (UPL), parti du richissime homme d'affaires et patron de club de foot Slim Riahi, troisième force au Parlement avec 16 sièges sur 217, récupère notamment le Tourisme et la Jeunesse et Sports. L’Intérieur revient à Mohamed Najem Gharsalli, le gouverneur de Mahdia (au sud de Tunis), la Défense à Farhat Horchani, le président de l'Association tunisienne de droit constitutionnel (ATDC), et les Finances à Lassaad Zarrouk, ancien PDG de la Caisse nationale d'assurance-maladie (CNAM).

Pour entrer en fonctions, le gouvernement doit obtenir le soutien d'au moins 109 députés. Or Nidaa Tounès, parti du nouveau président Béji Caïd Essebsi (88 ans), ne dispose que de 86 sièges. Dans le même temps, plusieurs partis ont annoncé qu'ils n'accorderaient pas leur confiance à la liste proposée. A commencer par le parti islamiste Ennahda qui dispose de 69 sièges. «Si le gouvernement reste sous sa forme actuelle, nous ne lui accorderons pas la confiance, car il ne représente pas les ambitions des Tunisiens (qui veulent, NDLR) un gouvernement (...) capable de faire face aux grands défis et de prendre des décisions difficiles», a déclaré le président d’Ennahda, Rached Ghannouchi.

Mathématiquement, l’équipe désignée ne peut donc pas entrer en fonction. Avec les seules forces de Nidaa Tounès, il lui manque 23 voix de parlementaires. La cause est donc loin d’être entendue…

En passant, quelques chiffres sur la chambre du Parlement tunisien, l’Assemblée des représentants du peuple (ARP). Le site africanmanager nous révèle qu’il compte au moins 35 avocats, 10 médecins et pharmaciens, 19 hommes et femmes d’affaires, 31 professeurs universitaires, 24 hauts cadres de l’Etat, 24 professeurs du secondaire, 13 instituteurs. Le même nous apprend au passage qu’à sa connaissance, «aucun d’eux» n’a «fait acte de déclaration de ses biens» comme la loi, apparemment, l’oblige…

Un agriculteur travaille dans un champ à Tazarka (70 km au sud-est de Tunis) le 27 octobre 2011. (Photo: Reuters - Zohra Bensemra)

Un agriculteur travaille dans un champ à Tazarka (70 km au sud-est de Tunis) le 27 octobre 2011.(Photo: Reuters - Zohra Bensemra)


Récolte d’olives en baisse
A l’incertitude politique s’ajoutent les incertitudes économiques comme le montrent quelques données piochées ici et là. Le taux d’endettement du pays est en hausse : en septembre 2014, il s’élevait ainsi à 44,1 % contre 41 % l’année précédente. Pour autant, la Tunisie continue à s’endetter : le 27 janvier 2014, elle a ainsi levé un milliard de dollars sur les marchés internationaux. Une manière «d’évaluer la capacité réelle du pays de mobiliser des ressources extérieures et le niveau de risque qu’il représente pour les investisseurs», dixit le gouverneur de la Banque centrale de Tunisie. Le fait que le pays ait pu procéder sans heurts à un nouvel emprunt tend à montrer que l’image du pays reste bonne auprès des investisseurs. Il n’y aurait donc pas de quoi s’inquiéter…

Sauf que l’an dernier, les grèves dans le secteur du phosphate et des mines, élément clef de l’économie tunisienne, ont entraîné une baisse de 0,7 % du PIB. Depuis la révolution, le secteur du phosphate a beaucoup souffert : il est passé d’une production de 8 millions de tonnes en 2010 (alors 4 % du PIB) pour s’établir à… 3,5 millions de tonnes en 2014. En 2012 et 2013, la production n’atteignait que 2,5 millions de tonnes. Une évolution qui montre l’ampleur des difficultés et des défis qui attendent le nouveau pouvoir…

Autre preuve : en 2014, le déficit commercial agricole s’est aggravé de 24 % pour atteindre près de 1,4 milliard de dinars. Petite précision : l’agriculture occupe 34 % de la population tunisienne et représentait, en 2013, 8,6 % du PIB tunisien.

Motif de l’aggravation: la baisse des exportations agroalimentaires (15,7%), et notamment d’huile d’olive. Les observateurs font valoir que la récolte des petits fruits verts a été très faible : 70.000 tonnes. Pour la saison 2014-2015, la production est estimée à 280.000 tonnes. Soit quatre fois plus. Pas un peu exagéré, l’estimation ? Car l’expérience montre que les prévisionnistes peuvent se tromper…


La Tunisie en chiffres: présentation du responsable de Sigma ConseilHassen Zargouni

Publié par Laurent Ribabeau Dumas / Catégories : Non classé