Il est rare que la presse mondiale exprime une quasi-unanimité. Et pourtant, elle semble l’avoir trouvée à propos de la Tunisie et de la tenue de la présidentielle, le 23 novembre 2014. Mots qui reviennent constamment: «historique», «modèle de démocratie»… Pour autant, les analyses divergent.
Evidemment, la tonalité varie selon les pays. Et les journaux sont plus enthousiastes en Occident qu’en Chine. L’agence (officielle) Chine Nouvelle, par exemple, publie un article neutre décrivant le processus électoral pluraliste. Tandis que Russia Today se contente d’une brève évoquant «une première historique» permettant aux Tunisiens d’avoir «un choix démocratique».
On le disait : à l’Ouest, c’est l’enthousiasme qui l’emporte. En France, la presse se contentait le 24 novembre au matin de donner les résultats. Mais le 29 octobre, au lendemain des législatives, Le Monde n’hésitait pas à parler de la Tunisie comme de «l’exception arabe».
En Grande-Bretagne, The Independent souligne que «le lieu de naissance du Printemps arabe (la Tunisie NDLR) poursuit sa route sur le chemin de la démocratie». Selon lui, «l’expérience de la Tunisie en matière de politique islamiste a largement été celle de la coopération et du consensus». Un avis que ne partagent pas forcément, loin s'en faut, les adversaires des islamistes ! Mais caractéristique de la manière dont le parti islamiste Ennahda est perçu dans des capitales anglo-saxonnes.
L’existence «de syndicats forts et d’une opposition relativement développée lui a permis de contourner la violence et le chaos» que connaissent la Libye, l’Egypte et la Syrie, poursuit le quotidien britannique.
Ces élections interviennent après «une transition instable», souligne le New York Times qui décrit «la première élection présidentielle démocratique» du pays. Dans un autre article, le journal américain cite une électrice tunisienne. Son propos montre qu’elle a parfaitement assimilé l’importance du vote : si M. Essebsi l’emporte finalement et «s’il ne convient pas, nous pouvons le renvoyer». Et tout cela parce que «nous avons appris à dire "Dehors"» lors du mouvement révolutionnaire de 2011. L’époque où les Tunisiens avaient lapidairement dit «Dégage!» au dictateur Ben Ali.
«Pourquoi la Tunisie a-t-elle réussi là où l’Egypte a échoué ?», se demande le commentateur vedette de CNN, Fareed Zakaria, dans le Washington Post. Réponse «la plus courante» : «les islamistes tunisiens ont tout simplement été meilleurs que leurs homologues égyptiens».
En Allemagne, Die Zeit, comme d’autres de ses confrères, se tourne vers le futur et pense qu’avec cette élection, la Tunisie accomplit «le dernier pas qui va mener vers une démocratisation complète» du pays. De leur côté, les électeurs «ont fait de leur pays l’exemple modèle» de cette démocratisation.
En attendant, on s’acheminait donc, si l’on en croit les résultats partiels qui circulaient le 24 novembre, vers un deuxième tour Essebsi-Marzouki, prévu le 28 décembre. Pour le quotidien espagnol El Pais, si Essebsi ne l’a pas emporté au premier tour, c’est qu’au-dessus de lui «pèse le soupçon de quelqu’un qui voudrait fomenter une contre-révolution pour ramener le pays» à la dictature de Ben Ali.
Les défis de la Tunisie
Et qu’en pense la presse arabe ? En Algérie, par exemple, El Watan partage le même point de vue que nombre de ses confrères de la presse mondiale. Il estime qu’après la chute de la dictature de Ben Ali, la transition a été «globalement pacifique». Le journal n’en rappelle pas moins que «les Tunisiens ont connu leur lot de tragédies, comme l’assassinat de deux opposants de gauche en 2013 et la mort de dizaines de membres des forces de l’ordre dans des attaques terroristes». Mais le pays «a, jusqu’ici, su rester sur les rails».
Et de conclure : «Si des solutions ne sont pas trouvées rapidement pour relancer la machine économique, faire reculer le chômage et les injustices sociales, remédier aux inégalités entre les régions, il y a lieu de s’attendre à de nouvelles turbulences». A bon entendeur...
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