La Tunisie organise dimanche 26 octobre le second scrutin législatif libre de son Histoire (après celui du 23 octobre 2011). La Tunisie du 14 janvier 2011, celle dont les citoyens renversèrent le dictateur Ben Ali, celle qui enclencha le «Printemps arabe», vous vous souvenez ? En France, pourtant, ces derniers jours, on semble l’avoir largement oubliée !
Vendredi 24 octobre, il suffisait de regarder un fil tweeter avec le hashtag #Tunisie ou les titres de la presse française : on trouve finalement assez peu de choses sur les législatives tunisiennes. Sur France Inter, Jeune Afrique, Le Monde, Libération éventuellement. De plus, le sujet est souvent abordé par le biais des problèmes sécuritaires en raison des attaques djihadistes de ces derniers jours.
Mais l’importance qu’on y consacre est beaucoup moins importante que la place accordé à la présidentielle au Brésil, qui a lieu le même jour que le scrutin tunisien. Vous me direz : le Brésil, c’est largement plus grand que la Tunisie : un pays émergent de 200 millions d’habitants, contre une nation de 11 millions ! Alors, évidemment, dans ce contexte, que pèse l’affrontement entre le parti islamiste Ennahda et la formation de gauche Nidaa Tounes face au duel Rousseff-Neves ?
Ce faisant, n’aurait-on pas tendance à oublier le pays qui a stupéfait le monde entier il y a trois ans et demi, un certain 14 janvier ? Le pays dont on vantait alors avec emphase, dans nos pays occidentaux, la «révolution de jasmin». Une belle expression poétique, pourtant fort peu utilisé par les acteurs de cette révolution, autrement dit les Tunisiens.
Mais depuis 2011, l’eau a coulé sous les ponts. Et la jeune démocratie tunisienne a été assaillie de problèmes: économiques, politiques, sécuritaires. Résultat : on oublie un peu vite certains acquis. A commencer par le très douloureux accouchement, en janvier 2014, d’une Constitution, à la suite d’une très longue et très grave crise politique. Une Constitution démocratique unique dans le monde arabo-musulman. On oublie aussi que le syndicat UGTT a été à deux doigts d’obtenir le prix Nobel de la paix pour son rôle dans la résolution de cette crise.
Bref, de ce côté de la Méditerrannée, nous avons un peu vite sorti de nos mémoires la Tunisie, ce pays francophone si proche de la France. Un pays où «l'actualité reste toujours foisonnante et surprenante en ces temps de transition, (…) la Tunisie est actuellement un laboratoire des transformations politiques du monde arabo-islamique», nous écrit un confrère tunisien. Et de poursuivre : «Ce n'est pas du tout un cliché. J'ai beaucoup d'espoir. Je pense que ce pays trouvera en lui, dans son passé, dans l'intelligence de ses élites et dans le sens de la dignité de son peuple la force de s'en sortir!»
Alors, n’oublions pas la Tunisie ! Et pour l’auteur de ce modeste blog, coincé en France par un bête accident, c’est un crève-cœur de ne pas pouvoir couvrir un scrutin exceptionnel. Le second scrutin libre de l’Histoire de la Tunisie.