Tunisie: du bon usage des statistiques...

Le ministre tunisien de l'Economie, Nidhal Ouerfelli, le 17 octobre 2014 à Tunis (Reuters - Zoubeir Souissi)

En Tunisie comme ailleurs, les gouvernants aiment les statistiques. Il faut dire que le site de l’Institut national de la statistique tunisien, très complet, est plutôt bien fait. Preuve que la Tunisie est un pays ouvert ! Mais notamment en matière économique, cette avalanche de chiffres est «tragi-comique», estime, un brin féroce, le site Nawaat.

Dans le domaine de l’emploi, par exemple des jeunes diplômés, tous les «indicateurs sont au rouge», constate (à juste titre) le ministre tunisien de l'Emploi et de la Formation professionnelle, Hafedh Amouri, «en raison de la situation économique difficile que traverse la Tunisie dans tous les domaines» (cité par le site maghrebemergent). Le niveau de chômage des diplômés du supérieur atteint ainsi 31 %.

La situation a poussé les services de M. Amouri «à recourir à des mécanismes pour solutionner les crises comme la redynamisation des secteurs qui emploient les détenteurs de diplômes de l'enseignement supérieur». Qu'en beaux termes bureaucratiques, ces choses-là sont dites ! Lesdits «mécanismes» encouragent notamment «les domaines à forte valeur ajoutée et des hautes technologies en prenant en charge la moitié des salaires payés aux nouveaux employés dans le but de la création d’emplois réels». Des esprits chagrins pourraient dire qu’en France, on applique peu ou prou les mêmes recettes. Avec des résultats quelque peu mitigés…

D’une manière générale, en matière d’emploi, la situation de la Tunisie est comme celle de la France : mauvaise. Au premier trimestre 2014, le nombre de sans-emplois représentait 15,2 % de la population active côté tunisien (contre 10,3 % dans l’Hexagone). Pas très gai, tout ça…

«Discours barbants» et «contrebande»
Pour autant, observe Nawaat avec humour, «les analystes, pensant bien faire, nous bombardent de discours barbants, qu’eux seuls comprennent et encore, on se retrouve donc totalement perdus dans cet océan de chiffres de 0 à 9 divinement bien calculés au centième près, tel un étudiant en panne de réveil dans l’amphithéâtre d’une école de commerce».

Et le site de continuer sur sa lancée à la mitrailleuse lourde... «Pour résumer, nous sommes gâtés par la nature : inflation, hausse historique des cours des devises, baisse des cours boursiers (à supposer que l’on puisse parler d’un marché boursier quand on compte à peine une cinquantaine d’entreprises cotées ), hausse des prix des matières de première nécessité ou prix du panier pour emprunter ce terme à nos amis économistes, levée progressive des subventions, augmentation des prix des carburants, CNAM (Sécurité sociale tunisienne, NDLR) au bord de la faillite, et, et, et, le meilleur reste à venir : un smic à 319 Dt (dinars tunisiens, environ 140 euros, NDLR) ! N’est ce pas merveilleux ?»

«Mais retenons un seul taux, qui aussi ridicule et tragi-comique soit-il, a quand même le mérite de résumer toute notre misère économique : la contrebande représente plus de 50% du PIB (chiffre communiqué par l’UTICA)» (l’UTICA, le patronat tunisien).

En clair, poursuit Nawaat, «la moitié de ce que nous produisons passe par des transactions illégales et des dessous-de-table.. N’est ce pas beau ?»

«Grâce donc à ce commerce parallèle, (…) nous avons des cigarettes algériennes qui font perdre des millions à nos hôpitaux si on compte le nombre de dégâts causés par ce tabac d’origine inconnue, nous avons du carburant dilué, des produits subventionnés par l’Etat tunisien qui se vendent à des prix exorbitants à nos voisins libyens»

«La contrebande cause à l’Etat tunisien des pertes fiscales estimées par la Banque mondiale à 1,8 milliards de dinars (…). Les responsables disent qu’il n’y a pas de solutions à ce problème, que ce commerce fait vivre des milliers de familles», rapporte l’auteur du papier.

Quelles solutions alors y a-t-il pour faire face à ce manque à gagner? «Il suffirait de réduire les taxes douanières, promulguer des lois sévères et répressives à l’égard de tous ceux qui sont assimilés de près ou de loin à des réseaux de contrebande, et tenter de réduire les écarts de prix entre les produits vendus en Tunisie et ceux commercialisés en Libye et en Algérie».

«Il suffirait». Certes, «Ii suffirait». Cela fait un peu «Faut que, y a qu’à»… Et c’est sans doute faire abstraction de tous les problèmes qui accablent la Tunisie après des années de dictature : notamment celui d’un Etat très affaibli par la transition démocratique.


Remarque à propos de vos commentaires
Nous apprécions de recevoir des commentaires. Malheureusement, un certain nombre d’entre eux sont en arabe. Or Géopolis est un site francophone. Ce blog ne peut donc pas passer des messages dans une langue qui n’est pas le français. Merci d’en tenir compte.

Publié par Laurent Ribabeau Dumas / Catégories : Non classé