Entre 1900 et 3000 Tunisiens seraient engagés dans la guerre contre le régime de Bachar el Assad. La Tunisie serait ainsi l’un des plus gros pourvoyeurs de djihadistes étrangers en Syrie. Sinon le plus gros.
Le ministre tunisien de l’Intérieur, Lotfi Ben Jeddou, estime à 2400 le nombre de djihadistes venus de Tunisie. Toujours selon le ministre, qui s’exprimait sur le sujet le 24 juin 2014, 80% de d’entre eux combattraient dans les rangs de l’organisation Etat islamique. Tandis que le reste aurait rejoint les rangs de Jabat al-Nosra, branche syrienne d’Al-Qaïda.
Le 11 octobre, le Washington Post a mis en ligne une carte assez saisissante indiquant les différentes origines des étrangers rejoignant les rangs djihadistes en Syrie. Premier pays pourvoyeur : la Tunisie (3000 personnes), devant l’Arabie Saoudite (2500), la Jordanie (2089), le Maroc (1500), le Liban (890)…
Parmi les sources de cette carte, la CIA et le Soufan Group, fondé par Ali Soufan, ancien agent du FBI. Lequel Soufan Group, qui dit notamment fournir de «l’information en matière de sécurité stratégique à des gouvernements et des organisations multinationales», a publié un rapport sur «les combattants étrangers en Syrie». Le document est signé de Richard Barrett, ancien diplomate et officier de renseignement britannique.
Y aurait-il un intérêt des services anglo-saxons à exagérer le phénomène ? Toujours est-il que d’autres sources font état de chiffres moins importants. Ainsi, une étude d'Abdellatif Hannachi, universitaire à Tunis, parle de quelque 1900 Tunisiens partis pour la Syrie.
Alors, 1900, 2400, 3000 ? On serait presque tenté de couper la poire en deux et de prendre le chiffre du ministre ! Un ministre selon lequel le manque d’informations fiables serait lié à l’absence de relations diplomatiques entre Tunisie et Syrie.
Mais peu importe. Car au-delà d’une fastidieuse comptabilité, cette fourchette de chiffres semble indiquer qu’on trouve de nombreux djihadistes tunisiens engagés contre le régime Assad. Certains occuperaient «des postes importants avec une vraie expérience militaire», croit savoir RFI.
Selon Abdellatif Hannachi, cité par le site mosaïquefm, «les associations à appartenance islamiste et aux financements douteux ont recruté la plupart» de ces combattants. «L’analyse du profil de ces nouveaux recrutés montre qu’ils n’ont quasiment aucune expérience de la guerre avant leur arrivée. Certains sont d’abord entraînés en Libye avant d’être envoyés au front. Le rapport (Barrett) souligne également le poids des réseaux sociaux dans l’embrigadement», rapporte le site tunisiensdumonde.
Menaces sur la Tunisie ?
Face à l’importance du phénomène, on est forcément amené à se demander, comme le fait tunisiensdumonde, pourquoi «les gouvernements successifs et particulièrement les services sécuritaires (tunisiens) (…) n’ont (pas) pu identifier un départ aussi massif». «Plus inquiétant, les autorités sécuritaires actuelles ne donnent pas l’impression de prendre toutes les mesures pour neutraliser les dangers liés aux retours massifs de ces combattants fanatisés. A contrario du Maroc qui a résolument pris les devants et affiche la carte de la fermeté !», poursuit le site. La réponse se trouve peut-être dans la fragilité actuelle des institutions tunisiennes, à quelques semaines des élections égislatives et présidentielle…
De fait, le retour de ces jeunes en Tunisie est un risque potentiel. En février 2014, le ministère de l'Intérieur, cité par RFI estimait que 400 d’entre eux étaient déjà rentrés. Une estimation confirmée à la radio française par des sources djihadistes. Ce chiffre «fait planer la menace d’actions armées d'ampleur» dans le pays. Comme celle, menée en mai 2014 contre le domicile de Lotfi Ben Jeddou. Et revendiquée, pour la première en territoire tunisien, par Al-Quaïda au Maghreb islamique (Aqmi).