Confrontés aux difficultés du quotidien, certains Tunisiens éprouvent de la nostalgie par rapport à l’époque de Ben Ali, dirigeant renversé en janvier 2011. Surfant sur cette vague de nostalgie, d’anciens représentants du parti de l’ex-dictateur, le Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD), reviennent au premier plan. Et se présentent à la présidentielle du 23 novembre.
«Le retour des élites du passé se nourrit de toutes les frustrations du présent : aggravation de la crise économique, démultiplication des chiffres du chômage, baisse du pouvoir d’achat, paupérisation de la classe moyenne, persistance de la corruption, amplification de la pollution, désordres et dérapages divers (infilat), insécurité, dégâts du terrorisme, peurs…», analyse une excellente et très complète enquête de la journaliste Olfa Belhassine dans La Presse de Tunisie.
De fait, l’on voit revenir sur la scène politique des proches de l’ancien régime. Le 14 septembre dernier, Mondher Zenaïdi, ministre de Ben Ali pendant 24 ans jusqu’en 2011, a été accueilli aux cris de «héros» par des centaines de partisans à l’aéroport de Tunis. Une revanche pour cet homme qui avait quitté précipitamment la Tunisie juste après la révolution de janvier 2011 pour trouver refuge en France.
Avec lui, ce sont au moins trois anciens collaborateurs de la dictature déchue qui vont se présenter à la présidentielle du 23 novembre 2014 (sur 27 candidats). Leur ancien parti, le RCD, a été dissous en mars 2011. Et il y a peu de temps encore, l’on pouvait voir, à Tunis ou à Sfax, tels des fantômes surgis du passé, les bâtiments incendiés et en apparence abandonnés de cette formation politique honnie par la population.
Dans le même temps, «ceux soupçonnés d’atteintes aux droits de l’Homme : torture, détention au secret, procès inéquitables et traitement inhumain des prisonniers ont tous été libérés», rappelle Olfa Belhassine. L’article 167 de la loi électorale prévoyait d’exclure de la vie politique les anciens cadres du régime déchu. Mais il a été rejeté par l’Assemblée nationale sortante (qui doit être renouvelée le 26 octobre).
Dans le même temps, ces anciens cadres ont notamment trouvé refuge dans le parti Nida Tounès. La principale formation de l’opposition aux islamistes d’Ennahda a ainsi «participé à leur ‘‘blanchiment’’» constate ironiquement la journaliste de La Presse. «Au-delà de Nidaa Tounès, deux autres partis sont dirigés par des personnalités de l’ancien régime», constate Le Monde. «Tous mettent en avant leur expérience d’homme d’Etat rompus à la gestion du pays». Ils se disent «capables de maîtriser les dossiers-clés du pays», précise Olfa Belhassine. Donc capables de revenir aux affaires…
Mais pour se redonner un semblant de virginité, ces anciens proches de Ben Ali se présentent comme des «destouriens» (du parti Destour, mot signifiant la Constitution en arabe), héritiers d’Habib Bourguiba, le «père» de l’independance tunisienne. Lequel a construit le cadre institutionnel actuel, permis l’élaboration d’un code émancipateur pour les femmes…
Mais cela suffira-t-il pour leur permettre de revenir au pouvoir ? Pas si sûr… «Les candidats qui parient sur le passé ont tout faux, car les gens ont tourné la page. Ils veulent se projeter dans l’avenir», pense ainsi Hassen Zargouni, directeur de Sigma Conseil, cité par la journaliste de La Presse. Pour parler plus crûment, les anciens partisans de Ben Ali, ont peut-être plusieurs métros de retard… Car ils n’ont pas forcément compris que la société tunisienne avait profondément changé.
Lire aussi
Bourguiba, désormais l'unique référence des «nouveaux» destouriens, par Olfa Belhassine
Pas de démocratie sans lutter contre la corruption