La campagne électorale a débuté en Tunisie. Comme en 2011, les islamistes d’Ennahda pensent à nouveau l’emporter. Mais cette fois, ce sera peut-être plus difficile en raison de leur passage au pouvoir dont le bilan reste très discuté. Ennahda entend rassurer en Tunisie. Mais aussi en Occident. Leur leader, Rached Ghannouchi, était à Washington début octobre.
Selon Jeune Afrique, qui cite des sources au sein de l’ONG Center for the Study of Islam and Democracy (CSID), Rached Ghannouchi a rencontré des membres du Congrès et de l’administration Obama. Il leur a fait «la promotion d’un islam moderne et modéré». Il s’est aussi prononcé «pour la nomination de figures consensuelles», notamment au gouvernement, à l’issue du scrutin du 26 octobre 2014.
Autre information, selon Jeune Afrique : Rached Ghannouchi aurait proposé «d'intervenir personnellement afin d'apaiser les tensions en Libye, au Yémen, au Soudan et en Inde, en échange d'une réhabilitation des Frères musulmans et de l'octroi d'un soutien financier à la Tunisie».
Le leader islamiste a également profité de sa visite pour tenir une série de conférences, notamment dans les universités de Columbia et de Yale. Son déplacement a été très critiqué par la très droitière chaîne américaine Fox News.
«C'est une visite culturelle et scientifique, et non politique», avait-il expliqué avant son départ au journal Leaders Magazine. Le souhait du dirigeant d’Ennahda est de défendre «l’islam politique et l’expérience tunisienne qui prend une importance particulière au moment où se déclenche une guerre mondiale contre Daech», abréviation arabe pour désigner l’organisation Etat islamique (EI). «Notre démarche est l’alternative à Daech. Il n’est plus possible d’écarter l’islam politique, c’est une donnée devenue essentielle dans la politique internationale», ajoute-t-il.
Ce n’est apparemment pas la première fois que le patron d’Ennahda se rendait aux Etats-Unis. Il y était déjà le 25 février 2014.
Les très nombreux adversaires de Rached Ghannouchi ne manqueront pas, une fois de plus, d’évoquer sa «duplicité» et son «double discours». En 2012, ce dernier avait ainsi été au cœur d’une violente polémique à la suite de la mise en ligne d’une vidéo filmée à son insu: on le voyait demander «à des visiteurs salafistes de faire preuve de "patience" et de "sagesse" le temps que les islamistes puissent imposer leur pouvoir aux laïcs»…
Quoi qu’il en soit, Ennahda entend faire preuve de «beaucoup de modestie» pour le prochain scrutin. Le parti fait valoir son inexpérience dans la gestion des affaires publiques après des décennies de clandestinité.
Dans le même temps, il a renouvelé plus de la moitié de ses candidats : sur 89 députés sortants, seulement 33 se représentent. Les plus durs auraient été écartés. «Nous conservons un pourcentage d’élus pour l’expérience mais avec un nombre important de nouveaux candidats afin qu’ils soient le reflet de la société tunisienne», a expliqué joliment l’un de ses dirigeants au Monde. Reste maintenant à convaincre les électeurs tunisiens. Et, au-delà, les partenaires occidentaux de la Tunisie.