L’assassin présumé de Chokri Belaïd tué par les gendarmes en Tunisie

Les autorités tunisiennes ont annoncé le 4 février 2014 avoir tué Kamel Gadhgadhi, l’auteur présumé du meurtre de l’opposant de gauche Chokri Belaïd, au cours d’une opération antiterroriste à Raoued, dans la banlieue nord de Tunis. Une annonce qui intervient près d’un an, jour pour jour, après la mort de ce farouche adversaire des islamistes d’Ennahda (intervenue le 6 février 2013).

L'assassinat de Chokri Belaïd (48 ans), avocat et militant de tendance marxiste, avait choqué et plongé la Tunisie dans une grave crise politique. Une crise dont le pays commence tout juste à se remettre.

Au terme d'un assaut de 20 heures contre une maison de Raoued, les unités spéciales de la Garde nationale (gendarmerie) ont «réussi à tuer sept terroristes très armés», a annoncé le ministre de l'Intérieur, Lotfi Ben Jeddou, au cours d'une conférence de presse Un gendarme a également été tué.

 «L'enquête et les analyses ont dévoilé l'identité (...) notamment de Kamel Gadhgadhi». Une identité établie «scientifiquement».

«Gadhgadhi est celui qui a commis l'assassinat politique du martyr Chokri Belaïd», a ajouté le ministre. Cinq des sept suspects tués ont été identifiés, selon lui. «C'est le plus beau cadeau qu'on puisse faire aux Tunisiens au premier anniversaire de l'assassinat» de l'opposant, a assuré le ministre. «Kamel Gadhgadhi, 43 ans, ‘‘cadre financier’’ selon ses papiers, est présenté comme l’un des responsables du groupe Ansar Al-Charia, classée organisation terroriste en août 2013 par la Tunisie, puis plus récemment par les Etats-Unis», rapporte Le Monde.

Selon le ministère de l’Intérieur, Kamel Gadhgadhi et un autre des suspects identitifiés, Alaeddine Najahi, sont compromis dans une embuscade, attribuée à des salafistes djihadistes, au mont Chaambi (ouest de la Tunisie). Laquelle avait entraîné, le 29 juin 2013, la mort de huit militaires.

Membres des forces de sécurité le 4 février 2014 à Raoued, près de la maison où a été abattu l'assassin présumé de Chokri Belaïd. (Reuters - Anis Mili)

Membres des forces de sécurité le 4 février 2014 à Raoued, près de la maison où a été abattu l'assassin présumé de Chokri Belaïd.(Reuters - Anis Mili)


L’attaque

Le 3 février 2014, les forces de l'ordre ont encerclé une maison à Raoued, à quelques kilomètres d'une plage bordée par plusieurs hôtels. Selon Le Monde, «ce serait l’arrestation d’un complice, le 31 janvier, qui aurait mis la police sur la piste du groupe». Sur place, les gendarmes «ont été accueillis par les balles et par une résistance violente», a dit le ministre. «Nous avons voulu éviter leur mort et nous leur avons demandé de se rendre. (Mais) chacun d'eux portait des armes automatiques, des grenades et des ceintures d'explosifs», a-t-il précisé.

La maison avait été «minée», a précisé le journal tunisien La Presse. Sur place, les gendarmes ont saisi «600 kg de TNT».

Selon les autorités, en tout 14 individus ont été identifiés comme les responsables directs des assassinats de Chokri Belaïd et Mohammed Brahmi. Six d’entre eux avaient déjà été arrêtés. Dans ce contexte, l’opération des 3 et 4 février a donc permis, selon toute vraisemblance, de décimer ce groupe. «Mais là encore, aucune précision n’a été apportée, et beaucoup en Tunisie, craignent que l’enquête s’achève sans que l’on connaisse les commanditaires, ni les motivations des tueurs», observe Le Monde. «Maintenant que la villa, qui s’est avérée bourrée de mines, a été réduite en miettes et que cet épisode est terminé, on peut dire que l’affaire est loin d’être classée, sur fond d’interrogations qui persistent», commente La Presse.

La veuve de Belaïd, Basma Khalfaoui accuse les islamistes d'Ennahda d'avoir au moins «caché» des documents essentiels à l'enquête. «On ne sait rien (de ce qui s'est réellement passé, NDLR). Tous les scénarios sont possibles. Nous ne croyons plus aux engagements. Nous jugerons sur pièces», explique-t-elle.

Le ministre tunisien de l'Intérieur, Lotfi Ben Jeddou, lors d'une conférence de presse à Tunis le 4 février 2014. (Reuters - Zoubeir Souissi)

Le ministre tunisien de l'Intérieur, Lotfi Ben Jeddou, lors d'une conférence de presse à Tunis le 4 février 2014.(Reuters - Zoubeir Souissi)


Succès politique pour le ministre de l’Intérieur ?
Quoi qu’il en soit, le succès de l’attaque pourrait s’avérer politiquement fructueux pour le ministre de l’Intérieur, seul ministre sortant du précédent gouvernement à avoir retrouvé son poste. Un ministre contesté par la gauche mais soutenu par Ennahda.

Lotfi Ben Jeddou a profité de l’annonce de l’opération de Raoued pour faire le bilan de ses services en 2013. «Les statistiques montrent (…) que 1343 terroristes ont été arrêtés et remis à la justice, 293 contrebandiers sont actuellement en prison et que plus de 8000 Tunisiens ont été empêchés de se rendre en Syrie», a-t-il ainsi affirmé, selon des propos rapportés par La Presse. «D’autre part, nous avons saisi 246 kalachnikovs, 113 fusils, 217 bombes, 520 mines et 270 obus», a-t-il par ailleurs déclaré. Lui-même dirigeant le ministère depuis mars 2013, donc depuis le début de l’année dernière, Lotfi Ben Jeddou est ainsi amené à tirer un bilan flatteur… de sa propre action. Une manière de dire aux adversaires d’Ennahda : «Vous voyez, quelqu’un comme moi, proche des islamiste, est capable de mener une action efficace contre les extrémistes». Affaire à suivre…

Publié par Laurent Ribabeau Dumas / Catégories : Non classé