Le rappeur tunisien Weld El 15 a été condamné le 5 décembre 2013 à quatre mois de prison ferme pour atteinte aux bonnes mœurs et outrage à des fonctionnaires dans ses chansons.
De son vrai nom, Ala Yacoubi, le chanteur a été immédiatement arrêté, le jugement prévoyant «l'exécution immédiate» de la sentence. «Je vais immédiatement faire appel», a indiqué Me Ghazi Mrabet, l'avocat du jeune homme. «J'ai des craintes pour l'intégrité physique de Weld El 15 en prison», a-t-il par ailleurs indiqué.
L'audience s'est déroulée au tribunal cantonal de Hammamet, à une soixantaine de kilomètres de Tunis. En août, le rappeur et le chanteur Klay BBJ avaient déjà été condamnés par contumace à 21 mois de prison dans le même tribunal pour les mêmes faits, à l'issue d'un procès auquel ils n'avaient pas été convoqués.
Le rappeur accuse la police
Euronews, 23-9-2013
Depuis cette affaire, Klay BBJ avait été rejugé deux fois pour être finalement relaxé en octobre, alors que Weld El 15 était en cavale depuis sa condamnation jusqu'à ce 5 décembre.
La police et le ministère public accusaient les deux hommes d'avoir chanté des textes injurieux pour les autorités et d'avoir adressé des gestes obscènes aux policiers durant un concert dans la station balnéaire d'Hammamet au cours de l'été. Les deux chanteurs ont rejeté ces accusations lors des différents procès, et quatre témoins sont venus confirmer leur version des faits devant le juge le 5 décembre.
Lors de ce concert, «le public m'a réclamé une chanson posant problème, j'ai refusé en signe de conciliation avec les policiers. Mais ceux-ci sont montés nombreux sur scène et ils m'ont agressé», a expliqué Weld El 15. A l'époque, ce dernier avait fait établir un certificat médical attestant de blessures légères infligées lors de son interpellation «brutale et mouvementée», selon Le Monde.
Le parquet ne réquérant pas en Tunisie , le contenu des éléments à charge remis au juge n'a pas été révélé publiquement. Selon la défense, le dossier de l'accusation est «vide» et s'appuie sur les témoignages de deux policiers. Or le rappeur entretient des relations très tendues avec les forces de l'ordre. Il avait été condamné cette année à deux ans de prison pour sa chanson «Les policiers sont des chiens», peine réduite en appel en juin à six mois avec sursis.
Dès lors avant même l'audience, Me Mrabet avait reconnu «ne pas être optimiste». Tout comme le chanteur. «Je m'attends à tout, j'espère que la Tunisie a une justice et non une injustice. La révolution [de janvier 2011, qui avait abouti à la chute du régime autoritaire de Zine El Abidine Ben Ali, NDLR] a eu lieu au nom de la liberté d'expression», déclarait Weld El 15 avant le procès.
Depuis le début de cette affaire, les rappeurs tunisiens se considèrent comme des défenseurs de la liberté d'expression. Ils se sont même constitués en syndicat pour défendre le droit à la contestation.
Près de trois ans après la révolution, la police, la justice et le gouvernement dirigé par les islamistes d'Ennahda sont régulièrement accusés de chercher à juguler la liberté d'expression acquise après le soulèvement de 2011. Dans le même temps, aucune réforme de fond du système judiciaire et des forces de l'ordre n'a été entreprise.