Le président algérien Abdelaziz Bouteflika a reçu successivement, le 10 septembre 2013, le dirigeant du parti islamiste Ennahda, Rached Ghannouchi, et le lendemain, le patron du parti Nidaa Tounès (gauche), Béji Caïd Essebsi. Il n’en fallait pas plus pour qu’en Tunisie, l’on s’interroge sur le rôle que pourrait jouer Alger dans la crise qui paralyse le pays depuis de longs mois…
Aucune information n’a filtré sur les discussions algéroises. Pour autant, dans le contexte actuel, les rencontres du numéro un algérien ne sont pas passées inaperçues… Le contexte ? Un pays profondément déstabilisé par l'interminable bras de fer entre le parti islamiste Ennahda et l'opposition. «Pour rappel, la Tunisie n'a toujours pas de Constitution, les activités du gouvernement sont presque bloquées, l'opposition réclame sa démission et la présidence de la République n'arrive pas à agir efficacement pour que tous les protagonistes s'assoient autour de la même table», observe le site Maghreb Emergent. Rien de moins…
Résultat : «Bouteflika joue les bons offices», écrit le journal francophone La Presse. «L’initiative de ces visites est algérienne et, à travers le choix des personnes, il est clair que l’Algérie envoie un message clair concernant son intérêt dans le dénouement de la crise à Tunis», poursuit le quotidien. Le «choix des personnes», en l’occurrence deux poids-lourds de la vie politique tunisienne, montre à Tunis la priorité qu’à Alger, on attache à un règlement de la crise chez le voisin maghrébin. Il est par ailleurs à noter que Rached Ghannouchi et Béji Caïd Essebsi sont les premiers interlocuteurs reçus par Abdelaziz Bouteflika depuis le retour de convalescence de ce dernier. Une priorité, décidément…
Reste à comprendre pourquoi l’Algérie s’impliquerait dans l’imbroglio tunisien. Pour une raison sécuritaire, d’abord. Cette implication intervient alors que les deux pays sont engagés dans une «bataille historiquement décisive contre le terrorisme jihadiste», note La Presse. Un groupe, présenté comme lié à al-Qaïda, est ainsi pourchassé depuis de longs mois en Tunisie. Plus exactement dans le djebel Chaambi, proche de l'Algérie.
Cette dernière «ne peut pas rester les bras croisés alors que s’approche le danger terroriste de ses frontières», pense la rédactrice en chef du portail tanispresse.net, Shahrazade Akacha, citée par Maghreb Emergent. La «sécurité nationale (de l’Algérie) se joue sur notre territoire!», va juqu’à dire le porte-parole de Nidaa Tounès. «Autrement dit, elle ne peut pas être indifférente aux conditions politiques qui pourraient se traduire par une aggravation de la situation sécuritaire (en Tunisie), étant donné les retombées inévitables que cette évolution aurait sur sa propre sécurité intérieure», analyse La Presse.
Dans le même temps, le pouvoir algérien «dispose de ressources et d’excédents sur le plan économique qui (le) mettent en position de proposer des incitations en vue de tout règlement qui serait synonyme de stabilité à la fois en Tunisie et dans la région», constate le quotidien de Tunis. «Des incitations», c'est-à-dire une aide économique et/ou financière ? En tous les cas, un élément essentiel pour une Tunisie rongée par le chômage (16,5 %, selon les derniers chiffres officiels), et qui «commence à faire peur aux sociétés étrangères», selon Le Monde.
On peut aussi trouver une raison politique dans l’attitude de l’Algérie. Celle-ci a regardé avec méfiance la révolution de janvier 2011 qui a renversé Zine El Abidine Ben Ali et a, par la suite, porté Ennahda au pouvoir. Lequel a régulièrement exprimé son soutien aux fondamentalistes algériens. En s’impliquant, Alger espère ainsi peut-être trouver le moyen de contenir l’influence de ces derniers en exerçant d’(amicales ?) pressions sur le parti islamiste du pays voisin.
Reste maintenant à savoir ce qu’il va ressortir de cette médiation dans le chaudron tunisien, si elle se confirme. Et cela, c’est très, très difficile à prévoir…