Une rencontre a eu lieu le 14 août à Paris entre Rached Ghannouchi, leader du parti islamiste Ennahda, principal parti de la coalition gouvernementale, et Béji Caïd Essebsi (dit BCE), ancien ministre de Bourguiba et président de Nidaa Tounès, plus importante formation de l’opposition de gauche. Et le 18 août, le parti islamiste a annoncé qu’il était prêt à «un dialogue immédiat, (…) sans conditions préalables», avec tous les partis de l’opposition.
Ennahda a précisé que ces discussions pourraient commencer d’ici la fin de semaine et porter sur la demande de la gauche concernant la création d’un gouvernement de technocrates.
Les islamistes opèrent ainsi un virage à 180 degrés. Par la voix de Rached Ghannouchi, ils avaient rejeté le 15 août cette même demande. Tout en proposant la formation d’un gouvernement d’union nationale.
La «rencontre secrète» de Paris, comme l’écrit La Presse de Tunis, a sans doute joué. Selon un communiqué publié par Nidaa Tounès, la discussion entre les deux responsables politiques a permis de rappeler les conditions de base pour sortir de la crise actuelle. Sur sa page Facebook, Rached Ghannouchi qualifie la discussion de «positive et franche». Pour d’autres sources, ces termes signifient qu’«aucun accord n'a été trouvé entre (les) deux interlocuteurs, selon le langage codé des communiqués politiques et diplomatiques»…
A voir. Toujours est-il que le revirement d’Ennahda intervient aussi la veille d’une rencontre programmée avec les dirigeants du très puissant syndicat UGTT.
La situation en Egypte et la répression féroce des manifestations pro-Morsi ne sont sans doute pas étrangères à l’évolution des islamistes. Même si Hassine Abassi, le secrétaire général du syndicat UGTT, réfute tout parallèle avec les évènements du Caire. Comme le signale le site Nawaat, l’opposition avait en grande partie soutenu la destitution du président Morsi par l’armée alors qu’Ennahda, solidaire des Frères musulmans, dénonce le «massacre commis (le 14 août, NDLR) par les autorités putschistes». L’un de ses ministres a été jusqu’à déclarer que l’opposition était «responsable moralement des évènements survenus en Egypte».
De son côté, la gauche «laïque» exprime son embarras face aux centaines de victimes de la répression. «Ce qui s’est passé là-bas est horrible. Il faut absolument condamner le massacre. Je suis contre la violence, contre toute forme de violence. Et je suis contre les dictatures, qu’il s’agisse d’une dictature des Frères musulmans ou d’une dictature de l’armée», explique l’un de ses partisans cités par Nawaat. Une réaction qui résume les positions des uns et des autres au sein de l’opposition.
«Refus de la violence et faiblesse de l’armée tunisienne en comparaison avec l’armée égyptienne : l’éventualité d’un ‘‘scénario à l’égyptienne’’ ne semble pas encore menacer la Tunisie», constate le site. Qui ajoute : «cela n’empêche pas les adversaires politiques de tirer les ‘‘leçons’’ de la situation égyptienne pour faire valoir leurs revendications». Et sans doute aussi pour faire preuve de réalisme…
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