La Tunisie est profondément choquée par l’assassinat, le 25 juillet 2013, du député Mohamed Brahmi, deuxième assassinat politique de son histoire récente, après celui de Chokri Belaïd. Et nombre de Tunisiens se demandent où s’arrêtera cette «descente aux enfers», pour reprendre une expression du journal La Presse. Et d'évoquer le spectre d'une guerre civile…
Dans une allocution télévisée, le président tunisien Moncef Marzouki a parlé d'une «deuxième catastrophe nationale» après la mort de Belaïd. «Les responsables de ce drame veulent montrer que la Tunisie (...) peut basculer elle aussi (dans la violence), ils veulent démontrer que le Printemps arabe a échoué», a-t-il déclaré en référence à l'Egypte où des violences meurtrières ont lieu depuis le renversement par l'armée le 3 juillet du président islamiste. Allusion peut-être aussi à l’Algérie qui a basculé dans une sanglante guerre civile dans les années 90.
Le chef du gouvernement Ali Larayedh, membre du parti islamiste Ennahda, a appelé ses compatriotes au calme. Pour lui, cet assassinat «ne doit pas être exploité pour semer le trouble et inciter les Tunisiens à s'entretuer».
«La Tunisie est libre, dégagez les Frères», ont scandé des manifestants dans la capitale, en référence aux relations étroites entre Ennahda et la confrérie des Frères musulmans en Egypte.
La famille du député assassiné s’en est directement pris aux islamistes. «J'accuse Ennahda», a déclaré en pleurs Chhiba Brahmi, la sœur du défunt, sans avancer de preuves. Le chef de la formation islamiste, Rached Ghannouchi, a rejeté ces accusations, affirmant que les commanditaires veulent mener le pays vers une «guerre civile» et «perturber la transition démocratique».
«Guerre civile»… Telle est la crainte de nombreux Tunisiens. Le 25 juillet, «autre chose que l’émotion était perceptible. Etait-ce la peur ? C’était en tout cas quelque chose qui y ressemblait. Le coup porté contre la personne du coordinateur du Mouvement du Peuple a été ressenti comme une volonté de fragiliser le processus de transition démocratique», analyse la quotidien La Presse. L’objectif étant de créer «un événement tragique qui serait de nature à décupler la colère contre le pouvoir en place. On est bien sûr dans un scénario machiavélique qui consiste à éliminer une personne, non pas parce qu’il s’agit d’un ennemi, mais parce qu’on escompte un effet favorable de sa mort dans l’équilibre des forces...»
Le Temps évoque, lui, «la barbarie banalisée» dans une «République frappée en plein cœur». «Le plus grave dans ce meurtre politique, (…) c’est qu’il banalise encore plus gravement la violence politique sous nos cieux. La liquidation politique y est semble-t-il devenue un jeu d’enfants, notamment entre rivaux politiques». Et le quotidien d’ajouter : «Si l’enquête n’aboutit pas très vite à l’élucidation de cette nouvelle énigme, il y a lieu de craindre pour la stabilité du pays.»