Une Tunisienne a-t-elle le droit de voyager seule ?

Le hall de l'aéroport de Tunis-Carthage (Reuters - Zohra Bensemra)

Une femme chef d’entreprise tunisienne, Sana Ghenima, a raconté dimanche 7 avril sur sa page Facebook avoir été interpellée à l’aéroport de Tunis par un policier qui lui a demandé si son «mari était au courant et consentant» de son départ du pays. Une pratique nouvelle dans le pays, ou un cas isolé ?

«J’ai crié au scandale, ce qui l’a arrêté net», a poursuivi Sana Ghenima, PDG d’une société spécialisée dans l’édition numérique, élue meilleure chef d’entreprise de l’année 2008. Elle a annoncé son intention de porter plainte. Le responsable de la police des frontières a présenté ses excuses et a qualifié cette affaire d'«inqualifiable», nous a déclaré la chef d'entreprise.

Pour autant, selon le site TunisTribune, cette inquiétante pratique, en vigueur dans un pays comme l’Arabie saoudite, serait «assez courante à nos frontières» depuis l’arrivée des islamistes d’Ennadha au pouvoir. Le site cite ainsi le témoignage d’une mère de deux enfants à qui la même mésaventure est survenue en septembre 2012 : «J'ai perdu mon vol, mes billets et trois jours de retards pour la rentrée scolaire de mes deux enfants: un en 2 ème année de prépa et la deuxième en collège. Soi disant, il y a une loi interdisant de voyager seule et sans autorisation de mon mari signée et légalisée auprès des autorités. Pour info : j'ai toujours voyagé avec eux et je n'ai jamais eu de souci, sauf cette fois. Donc, je garde de cette affaire un très mauvais souvenir que je ne suis pas prête d'oublier ! ».

Inquiétant donc… D’autant plus que le site d’investigation Nawaat (l'article est en arabe) affirme qu’existe désormais une unité de sécurité parallèle à l’aéroport de Tunis, liée à Ennahda. «Selon des témoignages recueillis, au sein de l’aéroport, ces unités parallèles liées au mouvement Ennahda auraient pour mission la sécurité des membres des ligues de protection de la révolution, l’entraînement aux arts de combat des combattants tunisiens pour leur départ en Syrie et en Libye, la surveillance des leaders de l’opposition, la permission aux prédicateurs accusés de terrorisme d’entrer sur le sol tunisien», rapporte le site directinfo.

De son côté, dans l’entretien qu’elle nous a accordé, Sana Ghenima ne veut pour autant pas dramatiser cette mésaventure et en faire une «interprétation démesurée». Elle entend «encore considérer» qu’il s’agit d’«cas isolé».

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Publié par Laurent Ribabeau Dumas / Catégories : Non classé