La justice tunisienne n'a toujours pas rendu son verdict dans le procès du doyen d'une faculté de Tunis, jugé pour avoir agressé une étudiante en niqab. La décision du tribunal de première instance de la Manouba (ouest de Tunis) était attendue pour le 17 janvier 2013. Habib Kazdaghli, responsable de la faculté des lettres, des arts et des humanités de la Manouba, a comparu le 3 janvier devant le juge .
«Je suis serein et confiant que la magistrature rendra justice à l'université», a-t-il déclaré en sortant de la salle d'audience devant laquelle des militants des droits de l'homme tunisiens et étrangers et responsables politiques s'étaient massés. «Nous défendons l'Etat de droit et les institutions», a ajouté cet homme de gauche soutenu par les syndicats universitaires et l'opposition. Il a dénoncé son procès comme «une vaine tentative de mettre à genoux les universitaires et de miner le fonctionnement démocratique de l'Université».
Habib Kazdaghli, dont le procès a été reporté plusieurs fois depuis l'été, a été inculpé d'«acte de violence commis par un fonctionnaire dans l'exercice de ses fonctions». Il risque jusqu'à cinq ans de prison.
Les faits remontent au mois de mars 2012. Deux étudiantes portant le voile intégral avaient alors mis à sac son bureau, a expliqué l'universitaire. L'une d'entre elles, exclue de la faculté pour avoir porté le niqab en salle de cours, l'accuse de l'avoir giflée. Les deux étudiantes sont poursuivies dans ce même procès pour avoir attaqué le bureau du doyen, Un bras de fer oppose depuis 2011 la direction de cette faculté de 13.000 étudiants à la mouvance salafiste.
En fait, il semble qu'il n'y ait pas eu de gifle. Elle n'existe apparemment que «dans le constat médical versé au dossier par la partie plaignante, et contesté par les avocats de la défense», souligne la journaliste du Monde, Isabelle Mandraud, sur son blog.
Dans une interview à Jeune Afrique, Habib Kazdaghli demande avec humour: «Comment voulez-vous que je gifle une fille en niqab, on ne sait même pas où est sa joue !» Il n'hésite pas à parler d'une «opération orchestrée» et raconte comment il a été lâché par son ministre de tutelle. Pour lui, «cette affaire porte sur un choix de société ; la Manouba symbolise la modernité, les attaques ont ciblé le savoir, une tradition tunisienne de progrès et d’ouverture». Et d'ajouter: «Il faut noter que ceux qui ont ciblé la faculté sont les mêmes que l’on retrouve le 14 septembre durant l’attaque de l’ambassade américaine : ils tissent une toile. Mais leur projet sociétal est afghan, et il a par le passé été rejeté par la Tunisie».
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