Il y a un an, les chauffeurs de taxis de la capitale tunisienne votaient tous, ou presque tous, pour les islamistes d'Ennahda. Un an plus tard, l'humeur a changé...
A Tunis, on ne peut pas manquer les taxis, véhicules jaunes qui réussissent à se faufiler partout, même dans les endroits les plus improbables. Et contribuent à engorger une circulation déjà très, très encombrée…
Le taxi tunisois, c’est une institution. Pour le visiteur étranger qui ne connaît pas la ville, impossible de circuler sans lui. Bien souvent, même s’il parle votre langue avec difficulté, le chauffeur se mettra en quatre pour vous aider. S’arrêtera à côté d'un collègue ou téléphonera à un ami s’il n’est pas sûr d’avoir bien compris le lieu où vous voulez vous rendre.
L’autre avantage du taxi, pour l’étranger qui s’intéresse à l’évolution de la situation en Tunisie, c’est qu’il reflète apparemment assez bien l’opinion populaire. Il y a un peu plus d’un an, à la fin de la campagne des premières élections libres du pays (23 octobre 2011), nombre de représentants de la classe moyenne intellectuelle et de l’élite francophone prédisaient bien souvent une victoire de la gauche laïque. Certains niaient même totalement un autre scénario.
Les chauffeurs de taxi, eux, disaient à peu près tous qu’ils voteraient pour les islamistes d’Ennahda, de même que leurs proches. Argument invoqué : pour eux, c’étaient le seul parti «propre» et «intègre». Bilan des courses : une victoire sans appel d’Ennahda, avec 42 % des voix, et la gueule de bois pour les laïcs.
Mais un an plus tard, que disent les taxis ? On constate qu’ils sont souvent plus réservés qu’au moment des élections. Mais quand ils parlent franchement, ils vous expliquent que plus rien ne va. «Le gouvernement ne fait rien», explique l’un. «Il y a plein de chômage. Le pouvoir n’a pas créé de travail», dit un autre. Et de montrer des vendeurs à la sauvette sur le bord de la route, tous à la recherche d’un job plus rémunérateur. «Les hommes politiques, ils ne songent dans leur tête qu’à la présidence », dit un troisième.
Bref, l’on sent un réel désenchantement. Dans la classe moyenne, on prédit souvent un recul, voire une défaite, des islamistes aux prochaines élections, prévues en 2013. Cette fois, les chauffeurs de taxis semblent au diapason. Le gouvernement a-t-il du mouron à se faire ?