La presse tunisienne a mis en bonne place et commenté abondamment les résultats du 22 avril. De son côté, l’homme de la rue pose parfois la question au Français de passage. Dans les milieux intellectuels, très informés, on n’a pas besoin de l’interroger. Mais tous se montrent sensibles à la manière dont sont traités les musulmans et les immigrés dans la campagne.
Dans la rue et ailleurs...
Si le candidat socialiste a un peu la cote, c’est surtout parce que l’on entend de nombreuses critiques sur son adversaire, Nicolas Sarkozy. Car d’une manière générale, on n’a pas l’air de beaucoup le connaître… «Sarkozy n’aime pas les musulmans», estime un chauffeur de taxi. «Il a cassé la France», affirme tel autre sans arriver à faire comprendre pourquoi.
A l'université de la Manouba, où se sont produits ces derniers mois des incidents avec des salafistes, un jeune islamiste explique que «Sarkozy a empêché le jeu de la démocratie car en France, les femmes ne peuvent pas porter librement le voile». Dans les milieux intellectuels, où les contacts avec l’Hexagone sont intenses et où l’on a fréquemment la double nationalité, on paraît très au courant des arcanes de la vie politique française. Et les commentaires sont parfois peu amènes pour le président sortant…
Petite revue de presse
Les journaux francophones, quant à eux, remplissement correctement leur rôle d’informateur. Le quotidien La Presse faisait figurer les résultats sur sa une le lundi 23 avril, mais dans la partie basse de cette première page. Son confrère Le Temps revient longuement sur «les enseignements» à «tirer» du premier tour dans son édition du 24 avril avec l’analyse (très fouillée) de son «correspondant particulier à Paris», Zine Elabidine Hamda. A ses yeux, ce premier tour sonne «comme un désaveu pour le président sortant». Celui-ci va se trouver «devant un dilemme», entre un discours pour les électeurs d’extrême droite et un autre pour les centristes. «C’est, pour lui, la quadrature du cercle», analyse le journaliste.
La presse francophone suit la campagne de second tour en observant particulièrement le discours sur l’immigration, «de plus en plus dur», selon La Presse du 24 avril. Et le lendemain, le même journal reprend une dépêche de l’AFP sous le titre : «Sarkozy n’a plus la cote chez les musulmans». De son côté, Le Temps constate «une chasse effrénée aux électeurs du Front national».
Les youyous de Mélenchon
Pour autant, les deux quotidiens ne prennent pas parti. Ce n’est pas le cas de leur confrère Tunis-Hebdo. Où figure, sous le titre, une belle phrase : «Je cherche la vérité»... Un gage d’objectivité ? Toujours est-il que dès son numéro du 23 avril, le directeur-fondateur de l'hebdomadaire, M’hmed Ben Youssef, s’est fendu d’un long éditorial en une, intitulé «Match présidentiel !».
Il explique qu’entre «‘Sarko l’agité’» (entre guillemets dans le texte) et «Hollande le ‘mou’», «mon cœur n’a nullement balancé». «Pour nous, en tant que Maghrébins et Arabes et vu nos relations imbriquées avec la France, avouons que Sarkozy n'a pas vu venir notre révolution et était au courant des méfaits de Ben Ali et de ses clans carnassiers». Quant au second, «il porte par essence, le lourd et mauvaise héritage de son parti», en se rangeant, par exemple, «toujours du côté» d’Israël.
L’éditorialiste a quand même son candidat de prédilection : en clair, «Mélenchon, un non raciste, s’est avéré le plus proche de nous et des défenseurs des causes justes». «Et les youyous, qui ont fusé à chacun de ses meetings, à travers la France, n’ont pas manqué de nous émouvoir». Sauf que le candidat du Front de gauche ne figure pas au second tour…