Les élections à l'Assemblée constituante ont entraîné une très forte mobilisation des citoyens tunisiens. Reportage à Carthage, dans la banlieue de Tunis. (Publié le 23-10-2012)
Carthage, la cité d’Hannibal le Punique, dont les sites archéologiques sont protégés au Patrimoine mondial de l’UNESCO, dans la banlieue de Tunis. Des lieux que malgré cette protection internationale, des proches de l’ex-président Ben Ali avaient en partie fait déclasser pour y réaliser de fructueuses opérations immobilières…
Ce dimanche d’élection, vers 14 h, la ville est noyée sous un très chaud soleil. Les rues sont vides dans le quartier de la colline de Byrsa, dont les villas sont entourées de murs d’enceinte couverts de fleurs. Le journaliste étranger, qui souhaite prendre une petite heure pour visiter le Musée national et les thermes d’Antonin, doit déchanter : tout va fermer. «C’est à cause de l’élection, Monsieur !», explique un gardien. Mais les Tunisiens sont décidément des gens gentils : il consent finalement à laisser le visiteur se promener quelques minutes avant la fermeture pour la journée. Un de ses collègues ira même jusqu’à le guider au milieu des ruines.
Un peu plus loin, vers la gare, le quartier est nettement plus animé. «D’habitude, il n’y a pas autant de monde, le dimanche. C’est à cause de l’élection !», observe une vendeuse d’(excellents) sandwichs installée dans une espèce de kiosque. Il faut dire qu’on est à quelques dizaines de mètres du bureau de vote de l’école Tanit, surveillé par des militaires, mitraillette au bras, et des policiers…
La file d’attente des électeurs commence déjà à l’extérieur de l’école : elle fait presque 100 m de long ! «Ca fait quatre heures que j’attends», raconte un homme dans la soixantaine. «Cette très forte mobilisation, on la constate partout. On m’a appelé de différentes parties du pays pour me le confirmer», ajoute-t-il. «Cela vaut le coup de donner cinq ou six heures de sa vie pour accomplir son devoir pour la Tunisie», explique un autre. «Et puis, pour moi, ce beau temps symbolise la réussite de ces élections !»
Un peu plus loin, plusieurs femmes en ont visiblement un peu assez. «C’est vrai que c’est long. Mais vous savez, on est très motivés ! Ces élections sont indispensables. On a payé pour connaître les risques de la dictature», déclare une femme médecin franco-tunisienne, qui vit à Carthage depuis 18 ans. A 14h30, 50 % des 900 inscrits étaient venus remplir leur devoir, selon l’une des personnes surveillant les opérations.
Toujours à Carthage, un autre bureau de vote, celui de l’école du 5 Décembre, dans le quartier du Kram, nettement plus populaire. Là, on manifeste une plus grande méfiance vis-à-vis du journaliste étranger. On examine attentivement son badge pour le laisser entrer dans l’établissement scolaire. Et l’on requiert l’autorisation du responsable pour le laisser pénétrer dans le bureau proprement dit. Celui-ci lui demande de ne pas photographie les isoloirs.
Il y a deux files d’électeurs, l’une pour les femmes, l’autre pour les hommes. Il n’est pas évident d’engager la discussion avec des personnes qui ne parlent pas forcément français. Là, encore, il y en a apparemment aussi pour plusieurs heures d’attente. Mais comme à l’école Tanis, on sent chez les électeurs une même calme détermination…