Exemple parmi d’autres : celui de l’organisation Doustourna («notre Constitution» en arabe) qui s’est tenu dans une ambiance festive dans un centre culturel et sportif de El Menzah 6, quartier un peu excentré de Tunis.
Ce vendredi soir, l’animation règne dans les rues de El Menzah 6. Les nombreuses voitures passent à côté des stands des partis politiques qui diffusent de la musique à tue-tête. Devant celui d’UPL, une organisation qui se définit comme «patriotique», des jeunes gens sont hissés… sur d’immenses échasses pour attirer l’électeur.
Un peu plus bas, des militants de Doustourna arrêtent des véhicules devant le centre culturel et sportif pour attirer là aussi. «Doustourna, c’est une liste de personnalités indépendantes [dirigée par un professeur de droit, NDLR] qui en ont marre des partis politiques. Nous sommes plutôt de gauche, pour reprendre un cliché français. Chez nous, il n’y a pas de chef. Nous pratiquons la démocratie participative et l’intelligence collective», explique, enthousiaste, une jeune et fort jolie militante.
Le public afflue : hommes et femmes, jeunes et moins jeunes, parents et enfants… La salle de spectacle du centre, qui compte à vue d’œil quelque 300 places, commence à être prise d’assaut. Mais il y a au moins autant de monde dans les couloirs…
Zeyneb Farhat, directrice du centre culturel El Teatro, personnalité connue à Tunis, et qui se présente sur la liste de Doustourna, incite en français le public à «laisser la place à ceux qui ont un problème de rhumatismes». Auparavant, elle avait demandé qu'«on dégage les portes pour qu’on puisse les fermer» car «c’est interdit de commencer le meeting portes ouvertes». Une demande formelle qui ne sera pas suivie d’effet…
Un pupitre est amené sur scène. Zeyneb lance le meeting. Son intervention en arabe est ponctuée d’expressions et de phrases dans la langue de Molière : «lâcher de ballons», «On se souhaite bonne chance !»… Pour autant, les auditeurs continuent à se parler entre eux. Tandis que dans les couloirs et sur scène, nombre de personnes s’interpellent joyeusement.
Zeyneb joue les maîtres de cérémonie. Elle introduit chaque orateur-candidat, dont les propos sont traduits en langage des signes par une jeune femme installée à côté du pupitre. L’un des orateurs fait se lever la salle pour entonner l’hymne tunisien.
Le pupitre est retiré pour laisser la place aux spectacles. Une danseuse entre sur scène, suivie ensuite par des groupes qui chantent sur des musiques aux rythmes à la fois maghrébins et occidentaux. Dans la salle, des jeunes se mettent à danser, d’autres le font carrément… sur scène.
A l’extérieur de la salle, on se promène où l’on veut. On peut même s’aventurer sur le bord de la scène, vers la régie…
«Le vote indépendant, c’est primordial !», explique un jeune étudiant en architecture avec un grand sourire. «C’est le peuple, il n’y a pas de puissance politique derrière. C’est d’ailleurs pour cela qu’il y a beaucoup de jeunes ici ce soir. Ils ne sentent pas leurs revendications portées par les partis politiques, notamment la démocratie et la liberté d’expression».
A côté de lui, on se congratule. Zeyneb Fahrat passe, radieuse de voir autant de monde. Elle lance en arabe une plaisanterie («grivoise», nous traduit un témoin sans nous en dire plus) à des jeunes en train de gonfler des ballons. Festif, jusqu’au bout, on vous dit.