Internet ou le triomphe de la démocratie

Slim Azzabi à une terrasse de café, avenue Bourguiba, à Tunis.

Aux yeux de nombreux observateurs, les réseaux sociaux ont joué un rôle important dans la chute de la dictature. Environ un tiers des dix millions de Tunisiens seraient connectés à internet. Et 10 % d’entre eux disposeraient d’un compte Twitter. Rencontre avec l’un des cyber-acteurs du mouvement révolutionnaire, Slim Azzabi. (Publié le 18-10-2011)

«Je ne suis pas une exception», tient d’emblée à préciser ce dernier, 32 ans, «searchmanager» depuis 2004 au sein d’une société spécialisée dans le référencement de sites Web. «J’ai fait ce que des milliers d’autres personnes ont fait : j’ai partagé sur les réseaux sociaux des images et des articles, j’ai manifesté». Internet a ainsi permis de relayer ce qui se passait sur le terrain.

Pour autant, comment pouvait-on être sûr de l’authenticité des informations envoyées sur le web ? «On savait que c’était la réalité : on reconnaissait les lieux et les scènes qu’on voyait sur les images». Les informations passaient, en dépit de la censure. «C’est toute une génération qui a agi pour que cela puisse se faire», constate Slim. De ce point de vue, décembre 2010 a marqué un net progrès par rapport à 2008, quand des grèves dans le bassin minier de Gafsa ont entraîné une féroce répression. Internet était alors moins bien implanté en Tunisie.

«Les réseaux sociaux ont contribué à leur façon au succès de la révolution. Mais il faut voir que celle-ci est née dans la rue et s’est terminée dans la rue. C’est là où s’est arrachée la liberté. Pour y arriver, il a fallu des morts», insiste Slim Azzabi. «Le 14 janvier, jour de la fuite de Ben Ali, 30.000 personnes ont ainsi manifesté sur le boulevard Bourguiba (principale artère de Tunis, NDLR). C’était la première fois qu’on voyait se produire une chose pareille : on avait l’impression qu’on était un million !», raconte-t-il, assis à une terrasse de café sur les lieux mêmes de cet événement historique, alors que la nuit tombe sur la ville après une journée ensoleillée et paisible.

Avec l’avènement de la démocratie, quel rôle joue désormais internet ?
«Avant, c’était plus facile de se battre : on n’avait qu’un seul ennemi. Aujourd’hui, c’est beaucoup plus compliqué. On assiste au revers de la médaille. Des pages FaceBook ont ainsi des dizaines de milliers d’amis anonymes qui diffusent des informations qui ne sont pas forcément bienvenues».

C'est-à-dire ? «Par exemple, des choses sur le film français Persépolis (qui montre une représentation  de Dieu, ce qu’interdit la religion musulmane, NDLR) et la laïcité. Actuellement, ce n’est pas la bonne période pour en discuter. En abordant le thème de la religion et de l’identité, on détourne les Tunisiens des vrais problèmes de l’heure. Chaque fois qu’on franchit une étape, comme maintenant celle des élections, on nous ressort le thème de l’identité ! On peut y voir quelque chose comme une manipulation. On ne sait pas à qui profite le crime».

Dur, dur, l’apprentissage de la démocratie... Pour Slim Azzabi, internet a une vocation pédagogique, celle d’aider à éduquer les citoyens, à leur fournir une culture politique. «Je suis optimiste, même si je sais que ce sera long et difficile», conclut-il.

Publié par Laurent Ribabeau Dumas / Catégories : Non classé