Le blog Trans'Europe Extrêmes se rend pendant la campagne des élections européennes dans cinq pays où la droite populiste et europhobe est en plein essor. Après la Finlande, le Royaume-Uni et l'Allemagne, quatrième étape : l'Italie.
L'imposante statue de Giuseppe Mazzini, sur la place éponyme de Padoue, est grignotée par l'ombre tandis que sympathisants et curieux trépignent. Ils attendent Matteo Salvini, le secrétaire fédéral de la Ligue du Nord, parti eurosceptique et régionaliste à la droite de la droite de l'échiquier politique italien. Je discute avec le militant en charge de la webTV du parti. Selon lui, le terrain est "idéal" ici pour la Ligue du Nord, ville qui a toujours été "à gauche ou au centre".
"On a de bonnes chances de remporter la mairie", explique-t-il. Il énumère : "Le climat social s'est dégradé', "il y a beaucoup d'immigrés", et le candidat aux municipales, qui se déroulent le même dimanche que les élections européennes, est "assez connu", il a été patron du groupe parlementaire de la Ligue du Nord à l'Assemblée. Pour appuyer son discours, il alpague un duo mère-fils qui progresse d'un pas mal assuré vers la maison de retraite voisine.
"Entre les jeunes et les immigrés je n'ose plus sortir"
"C'est sûr qu'il y a beaucoup de délinquance ici, c'est la pire situation de Vénetie", acquiesce Maurizio, élégant sexagénaire en polo Lacoste vert bouteille et mocassins. Cinquante ans qu'il vit ici et depuis peu il n'ose plus sortir, "entre les jeunes et les immigrés"... D'ailleurs, il ne veut pas se faire prendre en photo de peur d'éventuelles conséquences : "le climat n'est pas propice ici." "La ville a changé en mal, tout le système est en train de s'effondrer", poursuit-il encore pendant que le militant secoue la tête dans ma direction en guise de "vous voyez". Et l'Union européenne ?
Maurizio, ancien représentant commercial "ne la sent pas trop". "J'aurais préféré qu'on n'y rentre pas, mes parents ont fait la guerre pour l'indépendance", ce n'est pas pour rejoindre une forme de pouvoir "autoritaire et colonialiste", estime-t-il. Le militant est aux anges. Jusqu'à ce que Maurizio explique qu'il ne votera pas Ligue du Nord dimanche 25 mai. En tous cas pas aux européennes, pour lesquelles il s'est jusqu'à présent toujours abstenu.
"Grillo pour un vrai changement"
"La Ligue du Nord pèse trop peu à ce niveau", explique le retraité qui a décidé de voter pour "Grillo" - leader populiste du Mouvement 5 étoiles et révélation des dernières législatives - car il "veut voir un vrai changement". "Un vrai vote protestataire" sourit-il, sa mère toujours agrippée à son bras, emballée dans son gilet bleu marine. Déconfiture de Monsieur webTV.
Et aux municipales ? "Oui, aux municipales je voterai Ligue du Nord", confirme Maurizio, satisfait du programme qu'il résume ainsi : "Produire, consommer et être taxé ici." Tout à coup très loquace, il débite: "Parce que c'est nous qui produisons les richesses, le PIB (dit-il en français) alors que les Siciliens prennent l'argent de l'Etat central pour le dépenser, s'amuser" …"et c'est nous les Vénitiens qui payons", l'interrompt soudain sa mère, restée silencieuse et inexpressive jusque là.