Le blog Trans'Europe Extrêmes se rend pendant la campagne des élections européennes dans cinq pays où la droite populiste et europhobe est en plein essor. Après la Finlande et le Royaume-Uni : l'Allemagne.
Si ce n'est son immense drapeau allemand suspendu entre les deux fenêtres du premier étage, le QG du Nationaldemokratische Partei Deutschlands (NPD) à Köpenick, au sud de Berlin, ressemble à un pavillon de banlieue semi-abandonné, avec son crépi délavé et ses volets roulants abaissés aux deux-tiers. Derrière deux portes blindées, Oliver Niedrich, la trentaine, déplace des cartons de tracts.
La maison est silencieuse à l'exception des frôlements émis par un militant mutique qui met "des documents" sous plis comme un automate. Oliver gère le matériel électoral. "16 000 affiches dans tout Berlin, 6 000 de plus que lors de la campagne des législatives", se félicite-t-il, les mains enfoncées dans les poches de sa polaire noire sans manche.
"On recycle les affiches de la dernière élection"
Pourtant le parti ultranationaliste a les finances tendues : une amende non-payée et l'échec aux élections législatives en septembre 2013 l'ont privé de toute subvention étatique cette année. "On a imprimé deux nouveaux posters mais sinon, on recycle les affiches de la dernière élection", glisse Frank Schwerdt, président adjoint du parti, qui dit disposer de 50 000 euros pour toute la campagne des élections européennes.
Cette fois, le NDP a choisi comme messages : "Le social, ça marche qu'au niveau national" et "Sur le modèle de la Suisse, stoppons l'immigration massive, Un référendum maintenant!" Mais à en croire Oliver "Des sous pour nos grands-mères, pas pour les Roms", et "Bon vol de retour" sur fond d'immigrés en tapis volant, sont encore tout à fait adaptés à cette échéance. De toutes façons, "c'est surtout sur les thématiques d'asile et d'immigration qu'on marque des points, qu'on se distingue vraiment", explique le jeune homme permanent du parti.
Y compris de l'autre parti eurosceptique de droite, Alternative für Deutschland, "dans la même ligne que les autres sur l'immigration". "Nous on pense qu'il n'y a pas besoin d'immigration du tout, il suffit de former les Allemands aux différents emplois qu'occupent les immigrés", insiste Frank. Concurrencé, entre autres, par cette nouvelle formation nationaliste, le NPD est en perte de vitesse.
"On a pris pas mal de coups durs"
"On a pris pas mal de coups durs, on est dans une phase de stagnation", minimise-t-il, alors que le parti enchaîne scandales et défections. Entre la candidate actrice porno prise en flagrant délit de scène de sexe avec un noir (lien en allemand), le procès en cours du dernier membre vivant de la bande terroriste NSU, assimilée au parti, et la menace d'interdiction du NPD dans plusieurs Landers, l'avenir des néonazis est en suspens.
Cette année, ils ont quasiment cessé d'organiser des réunions publiques, sans cesse perturbées par des contre-manifestations "qui effrayent les gens qui aimeraient venir". Mais les jeunes militants jurent recevoir "un bon accueil" sur le terrain. Et Oliver de s'étonner que cela ne se ressente pas plus dans les urnes.
Crédité de 1,3% des voix dans les derniers sondages, le NPD peut prétendre à un siège d'eurodéputé depuis, que la Cour constitutionnelle a supprimé, en février dernier, le seuil de 3% des voix nécessaires à l'entrée au Parlement européen. "C'est le minimum", lâche le vice-président qui rêve même de deux voire trois élus. "Il faut agir au sein du parlement européen, contre la forme que prend l'UE aujourd'hui", étaye-t-il. Et d'appeler de ses voeux le retour à une union d'"Etats indépendants et souverains", maîtres chez eux en matière de politique extérieure, d'économie et surtout de sécurité.
"Trop radicaux pour Marine Le Pen"
Pour peser à Bruxelles, le NDP songe à s'allier avec le Parti National britannique et le Jobbik hongrois. Le FN les tente aussi "mais Marine Le Pen considère que nous sommes trop radicaux et d'extrême-droite pour ça", regrette Frank qui ne voit pas tant de différences que ça. Et de pronostiquer : "ça peut rapidement changer étant donné que nos programmes en matière européenne sont très semblables."
A défaut de sortir à la rencontre des électeurs, le NPD a lancé une campagne offensive sur les réseaux sociaux. Et vis à vis des médias, qu'il accuse de l'ostraciser. Des lettres ont été envoyées aux chaînes, "Udo muss uns Fernsehen" ("Udo" Voigt (leur tête de liste) doit passer à la télé"). Sans trop y croire, puisqu'un plan B d'irruption sur les plateaux est déjà prévu. "On est un parti d'idéalistes", affirme encore le vice-président, membre du NPD depuis bientôt 20 ans. Mais il reconnaît : "Un élu à Bruxelles, ça ferait du bien à l'ambiance dans le parti, ça remonterait le moral des troupes."