Comme les militants d'Alternative für Deutschland avaient promis des rebondissements et que ceux, tout aussi remontés, de Die Linke trainaient dans les parages, j'ai assisté au discours de José Manuel Barroso, président de la Commission européenne, à la Humboldt-Universität de Berlin. Contente aussi de voir l'univers opposé à celui des eurosceptiques dans lequel je baigne depuis trois semaines.
Devant quelques 400 personnes, dûment contrôlées à l'entrée, le doyen de l'Université, raide comme la justice a ânonné la biographie de son illustre invité. Et arraché quelques rires en évoquant le passé de "leader du parti maoïste au Portugal" de celui qui souriait du double menton derrière le sobre pupitre en bois clair. Devenu depuis le chef de file des conservateurs au sein des institutions européennes, José Manuel Barroso, a pris la parole. De la part d'un homme qui arpente les couloirs des hautes institutions européennes depuis plus de 10 ans, je m'attendais à du souffle et de l'enthousiasme. Rien de tout cela.
"Distance cognitive"... et ennui mortel
Plus d'une heure durant, l'ancien eurodéputé, ancien ministre des Affaires étrangères et ancien Premier ministre portugais venu s'adresser à des étudiants est resté, littéralement, accroché à ses feuilles. Il y a bien quelques concepts jetés en vrac : "arriver à concilier liberté et sécurité", "répondre au challenge de notre démographie tout en maintenant notre système social", et même "la distance cognitive entre l'échelon national et Bruxelles" - comprendre le fossé entre ce que les politiques promettent à leurs électeurs et ce qui peut être fait au niveau européen.
Et des expressions en français dans le texte qui me tiennent éveillée : "rendre possible ce qui est nécessaire", "let us continue la réforme de tous les jours" (laissez-nous continuer la réforme de tous les jours).
Mais rien n'y fait, rien n'accroche. Un sonore soupir de soulagement jaillit même au milieu de l'assemblée ultra silencieuse lorsque Barroso souffle : "Et laissez-moi conclure…" "Laissez-moi partagez cette passion, tout ceci n'est pas que concepts, chiffres, économies" l'Europe c'est "aussi des valeurs, la paix, la liberté et la solidarité." Le tout, sur le même ton. La passion qu'il disait...