Il est 14 heures, devant la porte 3, les bus déposent par grappes les ouvriers de l'équipe du soir. C'est l'heure où ils croisent ceux du matin. Passage de relais quotidien mais aussi passage d'informations. Depuis lundi, la tension est palpable à l'intérieur de l'usine. Les cafouillages entre les syndicats sur la nature des actions à mener en agacent plus d'un : "au moins qu'ils se mettent d'accord, sinon on fera sans eux ", s'insurgent des ouvriers sur le parking.
Mutations, départs négociés, reclassements ou chômage, ils ne savent pas ce qui les attend. L'inquiétude monte un peu plus chaque jour. Alors, les bisbilles entre syndicats, ils s'en passeraient bien. Et des voix commencent à s'élever au moment des pauses ou des "arrêts managés" décidés par la direction, pour affirmer que les ouvriers devraient prendre leur sort en main hors des étiquettes syndicales.
Les syndicats en ordre dispersé
Samedi, quatre-vingt délégués du SIA (Syndicat Indépendant de l'Automobile) majoritaire à Aulnay se sont rendus au Salon de l'auto pour distribuer des cartons rouges au ministre Arnaud Montebourg. Cela n'a pas été du goût de tout le monde. "C'est PSA qui nous licencie pas Montebourg, en plus ils n'avaient averti personne", s'insurge cette ouvrière en quittant l'usine.
Depuis, quand ils prennent la parole à l'intérieur de l'usine, on demande aux délégués syndicaux, CGT en tête, de retirer leurs badges, les obligeant ainsi, symboliquement, à s'exprimer simplement en leur nom.
Jeudi matin, un débrayage spontané s'est soldé par l'occupation d'un rond-point, aux abords de PSA. 250 salariés sont sortis de l'usine. Un automobiliste furieux à foncé dans le tas, manquant de renverser deux ouvriers. Plus de peur que de mal mais "l'improvisation n'est pas non plus la bonne méthode", regrette-t-on dans l'entourage de Tanja Sussest, leader du SIA.
À l'appel de la CGT, les PSA sont appelés à se rendre mardi au Salon de l'auto avec d'autres ouvriers de l'industrie automobile. Jeudi, les camarades de Tanja (la leadeuse du SIA), comme on dit à Aulnay, distribuait des tracts pour appeler à la mobilisation s'étonnant : "Pourquoi sommes-nous si peu nombreux aux différents mouvements ? ". Évoquant même d'éventuelles pressions de la direction. Pourtant, le SIA ne retournera pas mardi au Mondial de l'auto pour manifester avec ceux de la CGT.
SUD, en revanche, se joindra au mouvement, mais pas question pour autant de participer au service d'ordre prévu par la CGT, ni d'adhérer aux consignes de prudence données par la centrale : " Nous ne sommes pas là pour faire la police" s'exclament les militants de SUD.
Mohamed Kenniche le délégué de SUD et ses camarades s'efforcent de faire entendre leur point de vue. Ils ont choisi le moment du changement d'équipes ce jeudi devant la porte 3. Le ton est guerrier mais l'indifférence quasi-générale. Les tourniquets cliquettent et les ouvriers rentrent dans l'usine en silence.