Sophie, 11 ans à la chaîne : "J'ai beaucoup appris, c'est bête que ça s'arrête"

En 2014, au plus tard, l'usine PSA d'Aulnay-sous-Bois fermera ses portes. D'ici là plus de 3 000 salariés devront se réinventer une vie. Il va falloir quitter l'usine mais à quel prix ? Quelle prime de licenciement en contrepartie de ces années de travail ? C'est au cœur de toutes les discussions de ces derniers jours. Ce mercredi doit se dérouler le premier round de négociations entre PSA et les syndicats et demain se tenir à Bobigny une nouvelle réunion tripartite (représentants de l'Etat, direction de PSA et syndicats) sur l'avenir des salariés d'Aulnay.

On pourrait presque répartir les ouvriers d'Aulnay en trois groupes. Ceux qui ne resteront pas à PSA, ceux qui espèrent une mutation à Poissy ou ailleurs, et enfin ceux qui achèvent leur carrière et se trouvent à quelques années de la retraite. Sophie appartient à la première catégorie. Elle ne demandera pas une mutation dans le groupe.

Sophie est prête à repasser son bac

C'est parce qu'elle a raté deux fois son bac, il y a 11 ans, que Sophie est entrée à l'usine d'Aulnay pour travailler à la chaîne. Son amoureux, rencontré en vacances dans le Lot, y travaillait déjà. Depuis, Sébastien est devenu son mari. Ils ont eu ensemble trois petites filles aussi blondes les unes que les autres. Cette semaine Sophie travaille le soir de 14h 37 à  22h28, la semaine prochaine ce sera l'inverse. Aujourd'hui Sébastien rentrera à 16h à la maison pour s'occuper des filles. L'un du matin et l'autre du soir, ainsi ils se partagent équitablement la charge des enfants.

Parfois, Sophie a mal aux articulations. Cette semaine elle monte des "cielo" sur la C3 ( les toits ouvrants) - 200 par jour. Mais elle a choisi d'être polyvalente. Ainsi elle peut occuper six ou sept postes différents sur la chaîne. Au moins elle évite les gestes trop répétitifs : " Au début c'était dur, il faut une bonne condition physique, il n'y a que deux femmes dans mon équipe, il a fallu s'imposer, mais aujourd'hui j'aime ce travail " raconte Sophie.

Cette vie d'usine va s'arrêter. Comme tout le monde Sophie appréhende mais elle en est sûre : "avec Sébastien on fera tout ce qu'il faut pour ne pas se retrouver au chômage" . Malgré tout Sophie ne réussit pas à être pessimiste : "J'ai beaucoup appris, c'est bête que ça s'arrête mais c'est peut être un mal pour un bien".

 A 33 ans, elle est déterminée à se construire une nouvelle vie et peut être même à retourner à l'école pour repasser son bac. Un bac pro dans la logistique et les transports. Sophie a déjà fait un bilan de compétence : "Le problème des gens comme moi qui ont de l'ancienneté et pas de qualification c'est de ne pas se retrouver au Smic, à PSA je gagne 1600 euros". 

En attendant que l'usine ferme, Sophie reste déterminée à faire valoir ses droits. 30 000 euros lui semblerait raisonnable comme prime de licenciement après 11 ans d'ancienneté.

Pendant qu'elle prépare le repas des enfants, à l'usine se tient une assemblée générale. Les syndicats tentent de se mettre d'accord sur des revendications communes soumises au vote des ouvriers. Pour ceux qui comme Sophie choisissent "une mutation externe" ils demanderont le maintien du salaire tant qu'il n'y aura pas de CDI acceptable et une prime de 130 000 euros. Sophie reste un peu sceptique.

 

 

 Chaque jour Sophie fait 60 kms pour aller travailler. De Mareuil-sur-Ourcq à Aulnay, une heure de trajet. Sur le chemin elle récupère des collègues de l'usine qui habitent aussi dans le village ou pas loin. Ils partagent la même voiture à tour de rôle et aujourd'hui ils partagent les mêmes informations.

Dans la voiture avec Sophie, Patrick, 37 ans d'usine et beaucoup d'amertume