"J'aimerais bien que quelqu'un nous écoute"

Ils s'étaient dit : "le pire qui puisse nous arriver ce serait de passer à la télé", raconte Sébastien, l'un des trois ouvriers de PSA Aulnay auteurs du clip Ça peut plus durer. C'est fait. Le buzz dépasse toutes leurs espérances. Franck, dit Kash, est moniteur sur la ligne de montage à l'usine, mais il est aussi rappeur. Bien sûr, il a l'habitude de passer sur scène. La musique, c'est sa passion depuis toujours. Mais la télé, non, jamais. Sur leurs épaules pèsent un peu, désormais, la responsabilité de porter la colère de ceux d'Aulnay sur laquelle ils ont mis des mots.

Ils sont sortis de l'usine à 14h37 comme tous les autres. En grève mais respectueux des horaires. Nous les avons suivis dans leur antre. Au sous-sol du pavillon des parents de Franck, à la limite d'Aulnay-sous-Bois et de Livry-Gargan. Dans le dédale des caves, Franck a aménagé un studio de musique. Des boîte d'œufs pour isoler la cabine son, un ordinateur, un clavier, une table de mixage, des amplis des préamplis, des enceintes. Tout ce qu'il faut, entassé dans quelques petits mètres carrés.

Ils sont heureux, Franck, Sébastien et Régis, ils ont réussi leur coup. "Ça leur met la gouache, les médias aimeraient bien montrer de la casse et de la violence, là on parle de nous avec un truc vachement positif", se réjouit Sébastien en parlant de ses collègues de l'usine. Leur clip a été déjà vu 70 000 fois sur YouTube. Le téléphone de Kash ne cesse de sonner. Demandes d'interviews, propositions de concerts de solidarité pour les grévistes d'Aulnay. Et puis, jeudi après- midi, la première télévision. Eux qui espéraient au mieux intéresser les ouvriers d'Aulnay et leurs proches, c'est la France entière qui va les regarder.

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Régis et Sébastien

Un taxi les attend dehors pour les conduire vers le plateau de télévision. Vont-ils pouvoir parler tous les trois, arriver à tout dire ? Le stress monte un peu. À peine arrivés, ils sont propulsés sur le plateau en direct. "On n'est pas chez nous " s'amuse Franck. Face à nos trois rappeurs, invité sur le plateau, Thibault Lanxade, le candidat à la présidence du Medef. Il salue "la démarche artistique et la contestation responsable" des rappeurs d'Aulnay.

Il a parlé de l'avenir, commente Kash à la sortie du direct : "C'est l'avenir d'aujourd'hui dont on s'inquiète nous, on est en état d'urgence, j'aimerais bien que quelqu'un nous écoute et fasse quelque chose." 215 messages laissés sur son portable en quelques minutes, le plus important c'est celui de Chanaia. "C'est ma femme, c'est le message qui réchauffe le cœur" nous confie Franck avant de filer.