Le Papyrus de César. Voilà à peu près tout ce que l'on sait du nouvel Astérix, qui sortira le 22 octobre : son titre. Après un premier album encourageant, le scénariste Jean-Yves Ferri et le dessinateur Didier Conrad se savent attendus sur l'exercice de style le plus difficile de la série : l'opus qui se déroule dans le village gaulois, en abordant un thème de société. Les albums d'Astérix respectent une alternance entre l'aventure à l'étranger et les histoires "intra-muros" - si l'on peut utiliser une expression latine concernant les irréductibles Gaulois... N'empêche. Pop Up' vous livre de bonnes raisons d'être confiants pour ce nouvel ouvrage.

Les auteurs ont eu du temps pour se familiariser avec la série

Astérix chez les Pictes a connu une gestation tourmentée. Le dessinateur initialement prévu, un des assistants d'Uderzo, a craqué au moment de la conception de l'album. Didier Conrad a été appelé en catastrophe et a dû boucler les 44 planches en un temps record. En y laissant sa santé : "J'ai commencé par maigrir de 18 kg, j'en pesais 90, avec un régime où je mangeais un jour sur deux. Les deux derniers mois, je ne dormais que quatre heures par nuit et j'ai même fait cinq nuits blanches."

Cette fois, les auteurs ont eu plus de temps pour mûrir leur histoire. Car Goscinny et Uderzo ont un style très particulier. Uderzo utilise une grammaire complexe de gros traits et de trains plus fins. Goscinny, lui, avait développé une mécanique scénaristique très personnelle : "Astérix est une forme de bande dessinée dotée d'un déroulé et d'un tempo qui n'existent plus", expliquait Ferri au Monde.

Cet album peut être la rencontre d'Astérix avec le XXIe siècle

Au travers de la Gaule, Goscinny parlait surtout de son temps. Les congés payés, la voie romaine VII embouteillée à l'approche des beaux jours, les plans de relance des Néarques dans Obélix et compagnie... Aujourd'hui, il existe un vrai créneau pour que les Ferri et Conrad s'emparent des thèmes actuels qui rythment notre société. Le mariage pour tous ? Un peu trop avant-gardiste, sans doute. On adorerait voir Panoramix poser des RTT, Abraracourcix promettre le "travailler plus pour gagner plus" à ses administrés ou encore César truquer ses comptes de campagne (qui seraient consignés sur un parchemin qu'il aurait malencontreusement égaré ?).

Le dessin animé d'Alexandre Astier et Louis Clichy, Le Domaine des dieux, est riche en clins d'œil de ce genre, sans que cela desserve l'histoire. Anne Goscinny a récemment livré un petit indice : "L'album part d'une idée qui est à la fois un sujet d'aujourd'hui et qui s'inscrit dans quelque chose qui est vraiment dans l'univers d'Astérix." Le dernier album à avoir traité d'un sujet de société, c'est La Rose et le glaive, sorti il y a vingt-deux ans, qui abordait le féminisme. Pour beaucoup, c'est le dernier bon album d'Astérix.

Astérix chez les Pictes, préparé dans le secret le plus total, s'est écoulé à cinq millions d'exemplaires. Aucun doute que la 36e aventure d'Astérix atteindra ces chiffres, inégalés sur le marché du livre.

Pierre Godon