"Largo Winch", "Batman", "Les Vieux Fourneaux"... Quel classique de la BD glisser sous le sapin à Noël ?

Chère Tata Simone,

La leçon de l'année dernière ne t'a pas suffi. Nous sommes J-7 avant le passage du vieux barbu par la cheminée, et tu n'as toujours pas l'ombre d'un cadeau pour ta famille. Mais l'idée de débarquer dans une librairie pour faire un choix parmi les 10 000 titres proposés (oui, c'est la capacité d'un magasin spécialisé) réveille ton ulcère - ce qui est de mauvais augure avant le foie gras et la dinde aux marrons. Heureusement, Pop Up', l'ami des Pères Noël angoissés, t'a concocté une sélection sans langue de bois parmi les grosses sorties de l'année afin de faire des heureux le 25 décembre.

Le dernier "Largo Winch", "L'Etoile du matin"

Ça parle de quoi ? Largo Winch, le milliardaire en baskets, vante la quatrième de couverture. Reste qu'après vingt albums, on avait un peu perdu de vue le cœur de la série - les intrigues financières - pour profiter des 48 pages réglementaires à se rincer l'oeil sur les conquêtes du joli coeur le plus fortuné de la planète. Epoque révolue, avec l'arrivée de l'ancien journaliste économique Eric Giacometti au scénario. Philippe Francq, le dessinateur, qui lui n'a pas changé, avait lâché, vachard, dans la presse, que c'était l'occasion de "faire entrer la série dans le XXIème siècle", et c'est exactement l'impression que ça donne.

Entre deux courses poursuites, on découvre ce que sont le "high frequence trading", le "fat finger" ou un "flash crash". Comme d'habitude, Largo n'a pas son pareil pour se mettre tout seul dans la mouise. Après un crack boursier apparemment causé par une de ses sociétés, il se fait bêtement voler les titres de propriétés du groupe W. Et comme il se doit pour tout diptyque, l'album se termine sur un bon vieux cliffhanger des familles.

C'est pour qui ? Pas sûr que ton beau-frère trader appréciera un cadeau qui lui rappelle le boulot (et tiquera peut-être sur un raccourci ou deux), mais les amateurs d'albums franco-belge "canal historique" seront clients de cet épisode, qui figure - sous réserve d'un tome 22 de la même eau - comme un bon cru de la série. Largo (et son éditeur Dupuis) n'ayant pas perdu le sens du commerce, il existe pas moins de quatre éditions différentes de l'album. L'édition commentée, où le scénariste explique en détail les mécanismes financiers à l'œuvre du récit, vaut le détour.

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Le "Batman" d'Enrico Marini, "The Dark Prince Charming"

Ça parle de quoi ? Enrico Marini est l'un des grands noms de la BD franco-belge, avec ses séries comme Le Scorpion, Les Aigles de Rome (et le début de L'Etoile du désert, ressortie des cartons récemment). Que DC Comics lui confie pour deux tomes les aventures du justicier de Gotham City constitue un petit événement. Depuis la reprise éphémère par Jean Giraud du Surfer d'Argent dans les années 1980, les dessinateurs francophones n'avaient plus eu cet honneur. Enrico Marini nous concocte un Batman classique (aux éd. Dargaud) - dont le visage ressemble beaucoup aux héros des Aigles de Rome -, mais qui ne fera pas tiquer les Américains.

Le Joker parvient à enlever une petite fille qui pourrait être celle de Bruce Wayne, en tout cas c'est ce qu'affirme sa mère, serveuse, et entend faire chanter le milliardaire pour plusieurs dizaines de millions de dollars. Batman (qui n'est autre que Bruce Wayne, si vous hurlez au spoiler, c'est que vous avez passé les cinquante dernières années dans une grotte) va donc s'atteler à traquer son pire ennemi. Côté dessin, on n'est pas déçu, le trait et les lavis de Marini sont à tomber. Côté scénario, rien de révolutionnaire - n'est pas Franck Miller qui veut - mais du solide.

C'est pour qui ? Tous les geeks de la famille biberonnés aux super-héros !

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Le tome 4 des "Vieux Fourneaux", "La Magicienne"

Ça parle de quoi ? Certains tiqueront de voir qualifier de "classique" une série qui ne compte que quatre tomes. Certes, mais avec plus d'un million d'albums vendus en quatre ans - les chiffres viennent de l'éditeur Dargaud - le gang de papys s'est hissé parmi les mastodontes du genre. Toujours à l'affût des thèmes d'actualité, le scénariste Wilfrid Lupano imagine la création d'une ZAD dans le village voisin de l'usine pharmaceutique Garan-Servier, pour s'opposer à l'extension de ses locaux. L'occasion de rassembler Antoine, Mimile et Pierrot, les trois papys anarchistes, toujours caricaturaux, toujours avec le bon mot ou la bonne vanne au bord des lèvres et toujours à la limite du too much, sans tomber dedans.

Après un tome 3 un chouïa plus faible, la série repart sur un rythme plus soutenu, mais il manque encore un petit quelque chose pour retrouver le niveau des deux premiers. Le scénariste, qui avait au départ prévu de boucler l'intrigue en trois tomes, ne cracherait pas sur une dizaine d'albums.

C'est pour qui ? Ancrée dans des thèmes d'actualité récente, la série peut parler à des gens qui lisent peu ou pas de BD. Deux conseils dans ce cas-là : ne pas s'arrêter aux couvertures, toutes plus laides les unes que les autres. Et commence par offrir le tome 1 car l'histoire se prolonge de tome en tome. Et si tu as un vieil oncle ex-syndicaliste tendance anar, il devrait en faire son livre de chevet.

Couverture

Le "Valérian vu par...", "Shingouzlooz Inc"

Ça parle de quoi ? Les Shingouz, des extraterrestres vénaux qui ont toujours un bon tuyau pour Valérian à condition qu'il mette la main au portefeuille, ont commis la bourde de leur vie. Ils ont perdu la Terre au poker. Tout l'objet de cette joyeuse fantaisie spatiale va être de convaincre son nouveau propriétaire de la rendre. Problème pour Valérian et Laureline, à qui cette mission tombe sur le coin de la figure, le bonhomme n'est pas commode.

L'objectif de ce Valérian vu par... (éd. Dargaud) n'est pas de proposer une nouvelle ramification à l'univers déjà complexe des aventures de Valérian et Laureline, mais d'offrir la vision de deux auteurs sur un mythe du neuvième art. Avec Wilfrid Lupano aux manettes, on retrouve, comme dans ses Vieux Fourneaux, une critique acide du capitalisme, comme lorsqu'on découvre qu'une intelligence artificielle a spéculé avec les pensions de retraite des agents de Galaxity.

C'est pour qui ? Il est préférable de connaître un minimum la série pour apprécier cet album très référencé. Pensez à votre cousin qui a détesté le film de Luc Besson. Et pour votre autre petit cousin qui, lui, a adoré.

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Le 37ème Astérix, "Astérix et la Transitalique"

Ça parle de quoi ? Il était une fois en Gaule, un petit village qui résiste encore et toujours à l'envahisseur... Comment ça tu la connais déjà ? Bref, dans ce 37ème album (éd. Albert René), Astérix et Obélix s'embarquent dans une course de char à étapes à travers ce qui ne s'appelle pas encore l'Italie. Point positif de l'album : les nombreux de jeux de mots troussés avec délectation par Jean-Yves Ferri. Point négatif : une histoire poussive dès que la course de chars commence (un comble) et un twist final assez prévisible.

C'est pour qui ? Tout le monde. Astérix, c'est LA série que lisent les gens qui ne lisent pas de BD. Mais offrir à Noël un album tiré à deux millions d'exemplaires présente une part de risque non négligeable.

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Le tome 4 de "Dad", "Star à domicile"

Ça parle de quoi ? Dès le premier tome, on t'avait déjà conté tout le bien qu'on pense de cette série tous publics dans le bon sens du terme. La vie quotidienne d'un comédien au chômage père de quatre filles de quatre mères différentes. Après quatre albums (et plus de 150 gags aux éd. Dupuis), le soufflé ne retombe pas. Nob, l'auteur de la série, parvient à introduire de petites doses de nouveauté : on fait connaissance avec les mères des filles, un début de commencement d'idylle se noue entre Dad et une autre parent d'élève tout en cherchant à devenir une star sur Youtube grâce à son personnage de "Monsieur Poule" et Bébérénice commence à marcher. Il ne manquerait plus que Dad trouve un vrai travail ! Ce sera peut-être l'objet du cinquième tome.

C'est pour qui ? De 5 à 105 ans, tout le monde peut y trouver son bonheur.

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Le tome 4 d'Undertaker, "L'Ombre d'Hippocrate"

Ça parle de quoi ? Conclusion du deuxième diptyque de la série mettant en scène un croque-mort faussement bourru mais au vrai passé d'escroc et aux manières de desperado, L'Ombre d'Hippocrate raconte la traque de Jeronimus Quint, un médecin du genre équarrisseur, par notre héros Jonas Crow, flanqué d'une improbable gouvernante anglaise et d'une non moins improbable servante chinoise. Le tome 4 narre ainsi une course-poursuite en longueur, avec les rebondissements de rigueur, quelques trouvailles scénaristiques, le tout magnifié par le beau travail du dessinateur, Ralph Meyer.

Mais demeure une impression qu'on évolue un cran en-dessous des deux premiers albums (le cycle du Mangeur d'or). On passe un bon moment, mais dans le genre "chasse à l'homme qui s'étale sur 60 pages" l'amateur de western préférera un Blueberry, et niveau personnages retors, le lecteur sadique se délectera plus en bouquinant un Bouncer.

C'est pour qui ? Pour ceux qui préfèrent Dark Vador à Han Solo, qui souhaitaient secrètement que John McLane meurt dans l'explosion du Nakatomi Plaza et que Voldemort rabatte son caquet au jeune morveux à lunettes, bref, ceux qui ont un faible pour les méchants.

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Le dernier Riad Sattouf : "Les Cahiers d'Esther - Histoires de mes 12 ans"

Ça parle de quoi ? D'une petite fille prénommée Esther, la fille d'un couple d'amis de Riad Sattouf, à qui il a décidé de donner la parole afin de raconter son quotidien en bande dessinée jusqu'à sa majorité. Dans ce troisième tome (le deuxième sorti cette année, plutôt qu’un quatrième tome de L’Arabe du Futur), Esther entre au collège et c'est un événement historique pour la petite fille. Mais comme souvent, on se fait des montagnes de quelques chose et au final, ça passe tout seul. C'est un peu l'impression laissé par ces nouvelles aventures d'Esther, un peu moins drôles et touchantes que la précédente. Espérons que son adolescence dans laquelle elle entre à peine soit des plus mouvementées pour les prochains tomes.

C’est pour qui ? Tout le monde, et peut-être même votre petit neveu entré lui aussi au collège l'an dernier, s'il a une once d'autodérision.

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Et pour les plus généreux d'entre vous, dès la semaine prochaine, on vous parle des intégrales et coffrets à glisser à la dernière minute sous le sapin !