Chère Tata Simone,
J-7 avant de retrouver la famille pour les traditionnelles agapes de Noël. Comme d'habitude, tu n'as pas d'idées. Tu sais que tes neveux aiment la BD, mais quand tu entres dans une boutique spécialisée, tu te sens oppressée par tous ces titres dont tu n'as jamais entendu parler. Et quand tu as demandé au libraire "le dernier Tintin, s'il vous plaît", tu as senti à son regard que tu n'étais qu'une béotienne égarée en terre inconnue. Heureusement, Pop Up' vole à ton secours pour te donner quelques conseils parmi les grands classiques sortis cette année.
Le dernier "Blake et Mortimer", "Le Testament de William S."
De quoi ça parle ? Pour faire court, les premiers albums posthumes à l'auteur sont des chefs-d'œuvre, mais accoler ce qualificatif aux suivants est plus discutable. Le Testament de William S. n'est pas une mauvaise BD, mais pas une bonne non plus. Une intrigue composée d'énigmes à la poursuite du dernier manuscrit de William Shakespeare - avec, au passage, la révélation sur le fait qu'il est un imposteur, ou pas.
Le pitch ressemble à un bon Indiana Jones, façon La Dernière croisade. Dans les faits, on a plutôt droit à un Indiana Jones de salon, assez statique, avec peu de fausses pistes, des méchants pas vraiment menaçants, et le croustillant de l'histoire - "Whaaat ? Le chaste Mortimer a une fille !"- caviardée par l'éditeur.
C'est pour qui ? Blake et Mortimer, c'est plutôt pour un public âgé, le troisième âge de la BD, qui a boudé Edgar P. Jacobs de son vivant et qui l'a redécouvert au moment des reprises. Mais curieusement, la machine à nostalgie marche à plein régime : malgré une indéniable baisse de qualité, les albums continuent à se vendre tous seuls, et la série figure à chaque fois sur le podium des meilleures ventes annuelles. Le fan de Blake et Mortimer achète les albums pour mieux les critiquer, grommelle pendant deux ans, et rachète invariablement la nouveauté. La bonne nouvelle, c'est que le prochain, axé sur la construction du Mur de Berlin, a l'air vraiment prometteur. Et François Schuiten, auteur des formidables Cités obscures, planche sur une autre histoire. Déjà deux idées cadeau pour 2018, Tata Simone !
Le dernier "Lucky Luke", "La Terre promise"
De quoi ça parle ? Un cow-boy solitaire "loin de son foyer", qui tire plus vite que son ombre. Ça, vous connaissez forcément. Lors de la campagne de promotion, l'éditeur promettait "le grand retour de Lucky Luke", reconnaissant implicitement que les derniers albums n'étaient pas à la hauteur. Après Tonino Benacquista et Daniel Pennac, c'est au tour de Jul de tenter de relancer la série. Le tirage, qui baissait doucement mais sûrement, a été revu à la hausse. Pour un résultat mitigé : Lucky Luke accompagne une famille juive émigrée de Pologne jusqu'à une ville du Montana.
Deux comparaisons viennent aussitôt en tête : La diligence, un des chefs-d'œuvre du duo Goscinny-Morris, qui racontait le périple d'un groupe de voyageurs à travers l'Ouest sauvage. Et Rabbi Jacob, auquel Jul se sent obligé de faire allusion dans l'album. Force est de constater que La Terre promise n'est pas à leur hauteur. Quelques bons gags pétillent dans un scénario qui fait le choix de centrer l'intrigue sur la famille Stern plutôt que sur la traversée périlleuse. Résultat : on s'ennuie un peu, et on peine à ressentir le souffle épique de cette aventure.
C'est pour qui ? Pour les inconditionnels de la série. Un peu comme pour la reprise d'Astérix, on sent que Jul a besoin de quelques albums pour vraiment s'approprier le personnage.
Le dernier "XIII Mystery", "Calvin Wax"
De quoi ça parle ? La série XIII a été l'un des blockbusters des années 1980-1990, avant de tirer à la ligne (à partir du tome 13, grosso modo). Jean Van Hamme a passé la main, mais supervise toujours la série des XIII Mystery, des "one-shots" centrés sur un des personnages secondaires. Fort d'un casting d'auteurs renommés, on y trouve des pépites. Calvin Wax, dixième tome, fait partie de ceux-là.
Corentin Rouge et Fred Duval développent le portrait du conseiller de l'ombre du président Sheridan. Un suprémaciste blanc devenu conseiller de deux présidents démocrates aux faux airs de frères Kennedy. "Un homme politique doit savoir s'entourer et il est nécessaire d'avoir son exact contraire dans son premier cercle", lance Calvin Wax, dans les premières pages de l'album. On pourrait presque y voir un écho au duo Buisson-Sarkozy à l'Elysée entre 2007 et 2012.
C'est pour qui ? Ceux qui ont lâché XIII depuis quelques années seront ravis d'en savoir plus sur les personnages secondaires. Ceux qui s'intéressent à la politique américaine pourront apprécier l'album, même sans avoir lu la série-mère. Ceux qui aiment les complots tordus trouveront leur bonheur dans un scénario machiavélique à souhait.
Le dernier "Seuls", "La machine à démourir"
De quoi ça parle ? Seuls, c'est l'histoire d'un groupe d'enfants qui se réveillent un beau matin dans une ville déserte. Petit à petit, le lecteur apprend en même temps que les héros pourquoi les adultes ont disparu, et suit avec passion la lutte entre les différents clans pour prendre le pouvoir, ou tout simplement survivre. Hautement addictive, cette série est prévue en une vingtaine de tomes. On en est à la moitié et son adaptation au cinéma sortira le 8 février.
Le scénariste Fabien Velhmann a le déroulé en tête, mais puise ses idées sur les forums de fans (où chacun échafaude ses théories) et lors de séances de dédicaces auprès de son public. C'est ainsi que l'énigmatique personnage du Maître des couteaux - qui ne parle pas - a pris de l'importance sous l'impulsion des fans.
C'est pour qui ? Seuls, c'est la série familiale par excellence. C'est cool pour les enfants à partir d'une dizaine d'années, et c'est formidable pour les adultes. Le format 44 planches couleur dans sa quintessence. Il existe deux intégrales des premiers cycles, et le début du troisième cycle, avec La Machine à démourir, centré sur le personnage de Teddy, nous promet encore de belles années de suspense.
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Et pour les plus généreux d'entre vous, dès la semaine prochaine, on vous parlera des intégrales à glisser sous le sapin !