Il-est-ve-nu le-temps-des intééégraaaaaaaaleuuuuh ! A quelques jours de Noël et après vous avoir suggéré d'offrir quelques classiques de la BD, Pop Up' vient sauver la mise aux retardataires les moins fauchés en leur proposant neuf intégrales et coffrets de bandes dessinées édités récemment et qui feront leur effet sous le sapin. Du lourd, au propre comme au figuré.
"Big Foot" de Nicolas Dumontheuil
Ça parle de quoi ? Au début du XXème siècle, Zeb et Ned, deux chasseurs de prime qui quadrillent le Montana sont embauchés par la belle Magic Child. Cette drôle d’indienne un poil nymphomane (et pas si indienne que ça) est sur les traces de sa sœur disparu. Entre troubles du comportement, libertinage et chamanisme, ce trio de pieds nickelés métissé nous entraîne dans ses aventures totalement loufoques. Pas étonnant, Big Foot est une BD librement adaptée d’un roman de l'Américain Richard Brautigan, écrit en 1974 pour “faire marrer” ses potes.
C’est pour qui ? Les amateurs de western non conventionnel (les autres ont tout intérêt à se tourner vers Undertaker) et de surréalisme. La Forêt des renards pendus, l’autre adaptation par Dumontheuil d’un roman (finlandais, cette fois) est un bon exemple de l’humour de son auteur. Un must (à réserver aux grand ados et aux adultes, c'est quand même olé olé).
Big Foot, version intégrale de Nicolas Dumontheuil, éd. Futuropolis, 232 p., environ 30 euros.
"A Silent Voice" de Yoshitoki Oima
Ça parle de quoi ? De handicap et de harcèlement dans le milieu scolaire. Car quand Shoko, une petite fille sourde de naissance, débarque dans sa nouvelle école primaire, elle suscite immédiatement l’attention de ses camarades. Surtout celle de Shoya, un jeune garçon qui va progressivement transformer cet intérêt en brimades, entraînant avec lui toute sa classe. Mais ce comportement va peu à peu se retourner contre lui, transformant le bourreau en victime.
C’est pour qui ? Pour tous, évidemment. Car, outre l’universalité des sujets abordés, A Silent Voice crie tout le malaise des jeunes Japonais. Dans une société qui leur impose de rentrer dans le moule à tout prix et surtout, de ne jamais montrer ses faiblesses en osant demander de l’aide, A Silent Voice est une bouffée d'oxygène qui rappelle les vertus de l’amitié et de la communication. Une ode à la tolérance indispensable.
Coffret A Silent Voice de Yoshitoki Oima, sept tomes, éd. Ki-oon, 1152 p., environ 46 euros
"Hip Hop Family Tree" d’Ed Piskor
Ça parle de quoi ? De l’histoire du hip-hop, cet incroyable contre-courant artistique né dans les rues du Bronx à la fin des années 70 et aujourd’hui devenu le genre musical dominant sur la planète. Un mouvement aristique complexe qui mêle DJ’s, MC’s et graffeurs et que l’Américain Ed Piskor nous raconte à travers ses BD ultra documentées.
C’est pour qui ? On ne va pas se mentir, pour les passionnés par cette révolution culturelle et musicale que nous sommes nombreux à avoir vécu de très (trop) loin. Une lecture qu’il est vivement conseillé de compléter avec Hip Hop Evolution, l’excellente série documentaire sur le même sujet, disponible sur Netflix.
Coffret Hip Hop Family Tree, tomes 1 et 2, 1975-1983 d’Ed Piskor, éd. Papa Guédé, 224 p., environ 54 euros.
"Lupus" de Frederik Peeters
Ça parle de quoi ? Tony et Lupus ont deux passions : la pêche et la drogue. A bord de leur vieux vaisseau déglingué, ces amis d’enfance embarquent pour un road-trip interstellaire qui va vite être perturbé par leur rencontre avec la belle Sanaa. Un récit d’aventures dominé par l’émotion qui ne laissera personne indifférent.
C’est pour qui ? Tout ceux qui n’ont pas encore eu le bonheur de découvrir cette œuvre majeure du Suisse Frederik Peeters, publiée au début des années 2000, entre Pilules Bleues et Aâma. La bonne nouvelle ? Cette intégrale version 2017 est non seulement moins chère que la précédente (épuisée), mais elle bénéficie en plus d’une couverture et d'une maquette modernisée.
Lupus, intégrale 2017 de Frederik Peeters, éd. Atrabile, 400 p., environ 36 euros.
"Strangers in Paradise" de Terry Moore
Ça parle de quoi ? Les errements amoureux de trois amis, Katchoo, Francine et David, racontés par l'Américain Terry Moore et publiés pendant près de quinze ans aux Etats-Unis. Loin de la comédie sentimentale, Strangers in Paradise aborde des thématiques aussi sérieuses que la prostitution ou le viol. Une œuvre culte, couronnée d'un Eisner Award, qui a enfin droit à son intégrale en français (sous la forme de trois énormes pavés), publiée aux éditions Delcourt.
C’est pour qui ? Les amateurs de romans graphiques qui aiment prendre le temps. Strangers in Paradise se déguste par petites touches pour mieux en découvrir toutes les saveurs. Parfait pour passer l'hiver sous un plaid. Le troisième et dernier tome de cette intégrale monstre de plus de 2000 pages paraîtra en 2018.
Strangers in Paradise, intégrale 1 et 2 de Terry Moore, éd. Delcourt, 1440 p., environ 85 euros les deux.
"Silas Corey" de Fabien Nury et Pierre Alary
Ça parle de quoi ? Sur le papier, Silas Corey est un espion au service de la France. Ou alors un escroc qui vend ses services aux plus offrant, ça dépend du point de vue. Un Arsène Lupin dandy tiré à quatre épingles, flanqué de son fidèle serviteur, qui grenouille dans les mieux interlopes de la fin de la première guerre mondiale. Tantôt mandaté par Clemenceau pour démanteler un réseau d'espionnage allemand, tantôt au service d'une riche marchande d'armes à l'article de la mort. Sous le vernis historique, du grand spectacle avec des séquences d'une lisibilité époustouflante, portées par un Pierre Alary très à l'aise dans cette narration échevelée. A se demander pourquoi cette série n'a connu que deux cycles avant d'être remisée au rayon des intégrales.
C'est pour qui ? Les amoureux de BD survitaminées qui ont quand même du fond, et les amateurs d'albums qu'on referme presque essoufflé par le rythme de l'histoire.
Silas Corey, intégrale cycle 1 et 2 de Fabien Nüry (scénario) et Pierre Alary, éd. Glénat, 288 p. environ 60 euros les deux tomes.
"Seuls" de Bruno Gazzotti et Fabien Vehlmann
Ça parle de quoi ? Un beau matin, cinq jeunes se réveillent absolument seuls dans leur cité de Fortville. La ville est déserte, tous les adultes se sont volatilisés. Au fil des bonnes ou mauvaises rencontres, nos héros commencent à démêler le vrai du faux. Après un premier cycle riche en révélations, le scénariste Fabien Velhmann ralentit le rythme et laisse le lecteur mariner davantage dans une intrigue toujours aussi opaque. Dénouement (et réponses aux nombreuses pistes laissées pour le moment sans réponse) prévu autour du tome 20.
C'est pour qui ? A tous ceux qui possèdent déjà l'intégrale du cycle 1. L'histoire est suffisamment embrouillée qu'elle mérite d'être lue de A à Z.
Seuls, intégrale du cycle 2 de
"La colère de Fantômas" d'Olivier Bocquet et Julie Rocheleau
Ça parle de quoi ? Oubliez le masque bleu de Jean Marais et le cabotinage de Louis de Funès, Olivier Bocquet et Julie Rocheleau reviennent aux sources du mythe. Et aux sources du monstre. On retrouve dans leur Colère de Fantômas la rage qui anime "le maître du mal" dans les romans de Souvestre et Allain qui avaient fait sensation au début du siècle. Olivier Bocquet, prolifique scénariste à qui l'on doit un épisode du Transperceneige ou la très réussie série jeunesse Frnck, esquisse par petites touches les coulisses d'un casse sophistiqué où le policier Juve et le journaliste Fandor courent contre la montre pour déjouer les desseins de Fantômas. Un sentiment d'urgence accentué par les dessins secs et nerveux de la dessinatrice canadienne Julie Rocheleau - qui offre une colorisation de toute beauté. Dommage que la couverture de l'intégrale le reflète moins que celles des tomes séparés.
C'est pour qui ? A mettre dans toutes les mains, des experts de romans policier aux fans de Louis de Funès qui découvriront un autre pan de ce chef d'œuvre de la culture française.
La Colère de Fantômas, intégrale d'Olivier Bocquet (scénario) et Julie Rocheleau (dessin), éd. Dargaud, 184 p., environ 30 euros.
"Blake et Mortimer" d'Edgar P. Jacobs
Ça parle de quoi ? Le scientifique écossais bourru, toujours pipe au bec, et le patron du MI5 à la fine moustache blonde, vous avez forcément entendu parler. Les éditions Niffle, spécialisées dans la réédition de BD patrimoniales, offrent un nouveau regard sur l'œuvre en la proposant intégralement en noir et blanc. Si Edgar P. Jacobs concevait ses albums en couleur (ce qui pousse certains fans à hurler à la trahison), l'amateur de franco-belge ne peut que rester bouche bée devant la maîtrise des aplats de noirs du dessinateur belge. Mention spéciale à La Marque Jaune, qui était déjà l'album le mieux maîtrisé de l'auteur, qui prend une nouvelle dimension ainsi éditée. Saluons l'effort de l'éditeur qui propose deux gros volume à prix raisonnable (l'unité quasiment aussi chère que la seule réédition bibliophile de L'Affaire Francis Blake...).
C'est pour qui ? Forcément, pour les inconditionnels de Blake et Mortimer, ce qui représente quand même du monde. Ces drôles d'oiseaux possèdent sûrement plusieurs éditions des aventures du duo british dans leur bibliothèque, et cette nouvelle intégrale ne déparera pas dans les rayonnages.
Black et Mortimer, intégrales tome 1 à 6 et tome 7 à 12 d'Edgar P. Jacobs, éd. Niffle, 336 et 360 p., environ 53 euros le volume.