? Il-est-ve-nu? le-temps-des? intééégraaaaaaaaleuuuuh? ? ? ! A quelques jours des traditionnels échanges de cadeaux de Noël, Pop Up' offre de sauver la mise aux retardataires à court d'idées en leur proposant cinq intégrales de bande dessinée éditées récemment et qui feront leur petit effet sous le sapin. Du lourd, au propre comme au figuré.
"Adrastée" de Mathieu Bablet
De quoi ça parle ? D'un roi immortel qui, après avoir assisté à la mort de tous ses êtres chers et à la fuite de son peuple, décide enfin de quitter le trône sur lequel il médite depuis mille ans. Il entame un long voyage à travers le pays pour rejoindre le mont Olympe afin de demander aux dieux de lui expliquer la raison de sa condition particulière. L'année de la sortie de Shangri-La, le splendide nouvel album de Mathieu Bablet, les éditions Ankama en ont profité pour éditer sous la forme d'une intégrale, Adrastée, son précédent (et seulement deuxième) titre solo. Une excellente façon de découvrir l'œuvre de ce jeune auteur ultra prometteur dont on parie déjà qu'il pourrait bien repartir avec un prix au FIBD d'Angoulême le 29 janvier prochain.
C’est pour qui ? Pour tous ceux qui attendent d'une BD une bonne claque esthétique. Car à seulement 29 ans, Bablet est déjà un virtuose du dessin. Il excelle lorsque qu'il conçoit ses planches ultra détaillées et somptueusement mises en couleurs dans des camaïeux flamboyants de verts ou de jaunes. Pour les contemplatifs ensuite. Car, comme dans Shangri-La, l'auteur nous propose un voyage introspectif, aidé par les nombreuses planches muettes qui plongent le lecteur dans une sorte d'expérience méditative. Cette fable mythologique de haute volée plaira également aux lecteurs d'Herakles (voir plus bas) et inversement.
Adrastée, intégrale de Mathieu Bablet aux éd. Ankama sur le label 619, 160 p., environ 20 euros.
"Andy & Gina" de Relom
De quoi ça parle ? D’une famille que même nos pires cauchemars n’oseraient imaginer. Un père, chômeur, alcoolo et ringard, odieux sosie de Dick Rivers, une mère que son mari prostitue et qui va se décomposer (au sens propre) au fil des cinq tomes, et leurs deux enfants, Andy, un jeune garçon d’une naïveté confondante, et sa cruelle grande sœur Gina, mélange diabolique de cynisme et de sadisme. Bienvenue dans le monde de la médiocrité crasse dont même les émissions de téléréalité les plus putassières nous ont préservés.
C’est pour qui ? Pour les amateurs d’humour noir évidemment ! Âmes sensibles s’abstenir. Car Olivier Morel alias Relom ne retient pas ses coups et nous entraîne dans les tribulations de cette famille sans limite en ce qui concerne la méchanceté et le sordide. Oui, dans Andy & Gina, on torture les animaux, on pratique l’amputation avec un naturel déconcertant et on y croise, pêle-mêle, un loup-garou végétarien, un homme enceint, Blanche-Neige et un vampire collectionneur de disques. Bref, c’est absurde, trash et hilarant, à condition de l’offrir à la bonne personne.
Andy & Gina, l’intégrale de Relom aux éd. Fluide Glacial, 280 p. Environ 30 euros. Cet album regroupe les cinq tomes de la série parus entre 2002 et 2011, entièrement remis en couleurs et trente pages inédites ainsi qu’une préface de Wilfrid Lupano.
"Herakles" d'Edouard Cour
De quoi ça parle ? Si je vous dis d'Héraclès, vous me croyez ? Dans une trilogie rassemblée en un monstrueux pavé de près de 500 pages, Edouard Cour se plonge dans la vie d'Alcide, plus connu sous le nom d'Hercule ou Héraclès, fils illégitime de Zeus et d'Alcmène, qui se voit infliger travaux et missions, d'abord prophétisés par la Pythie, puis imposés par son oncle Eurysthée, roi de l'Argolide. Super héros de la Grèce antique avant Marvel et compagnie, Alcide va ainsi enchaîner 12 travaux surhumains, tous tendant à prouver qu'il est en réalité un demi-dieu. Une relecture à la fois sublime et drôle d'un des faits les plus connus de la mythologie dont s'est emparé avec une grande maîtrise (d'autant qu'il s'agit de sa première BD publiée) Edouard Cour.
C’est pour qui ? Déjà, pour les amateurs d'ouvrages imposants, car cette intégrale pèse son poids, à l'image de son héros au physique d'ogre. Donc pas question de trimbaler ce pavé pour le lire debout dans le métro. Hormis ce détail, il ravira les collectionneurs de beaux livres qui aiment les albums de bande dessinée à la confection soignée. Et surtout, il ne peut que rendre fou de bonheur n'importe quel lecteur de BD qui plongera dans cette relecture mythologique comme dans un récit d'aventures passionnant, drôle et instructif. Surtout si vous pensiez tout connaître d'Hercule après avoir lu Les Douze travaux d'Astérix. Un must-have absolu.
Herakles, intégrale d'Edouard Cour, éd. Akileos, 480 p., environ 39 euros. Une édition collector en noir et blanc tirée à 1 000 exemplaires est également disponible pour environ 59 euros.
"Mort Cinder" de Héctor German Oesterheld (scénario) et Alberto Breccia (dessin)
De quoi ça parle ? Apparu en Argentine au début des années 60 sous la forme d'un feuilleton, Mort Cinder est un personnage énigmatique vivant depuis l'Antiquité et qui a la particularité de ressusciter à chaque fois qu'il est tué. Des histoires fantastiques au doux parfum vintage qui rappellent la série télévisée référence de l'époque, La Quatrième dimension, et l'œuvre d'Edgar Allan Poe. Portée par le dessin virtuose en noir et blanc d'Alberto Breccia, cette nouvelle version révisée de l'intégrale Mort Cinder remet dans la lumière une des pièces maîtresses de la bande dessinée sud-américaine.
C’est pour qui ? Les amateurs d'ambiances mystérieuses, nostalgiques d'une science-fiction désuète qui brille plus par son intrigue que par ses effets spéciaux. Et n'importe quel passionné de BD qui voudrait découvrir l'œuvre fondatrice de Breccia, un dessinateur aussi influent que méconnu qui répondait avec beaucoup de malice lorsqu'on le comparait à Picasso ou Dali : "Il ne faut pas trop croire les critiques : un jour, ils pourraient me comparer à Marilyn Monroe !"
Mort Cinder, de Héctor German Oesterheld (scénario) et Alberto Breccia (dessin), éd. Rackham, 280 p., environ 30 euros.
"Tank Girl" d'Alan Martin, Peter Milligan (scénario) et Jamie Hewlett (dessin)
De quoi ça parle ? "Son nom était Tank Girl. Le genre de personne à laisser des poils pubiens sur votre stick déodorant. Le genre de personne à mériter d'être attachée entre deux têtes nucléaires avant d'être violemment assassinée." Ainsi parle le sergent Titbit (vous l'avez ?) de Rebecca Buck alias Tank Girl, son ancienne femme de main. Née à la fin des 80s dans les cerveaux malades des Britanniques Alan Martin et Jamie Hewlett (futur dessinateur de Gorillaz), Tank Girl est une sorte de Mad Max au féminin qui déambule à bord d'un char, accompagnée par son fidèle kangourou, dans une Australie où règnent la mafia et le chaos.
C’est pour qui ? Pour ceux qui aiment le gros bordel, les dialogues bien vulgaires et les héroïnes déjantées. Apparu pour le première fois dans les pages d'un fanzine, le comic Tank Girl a gardé tout au long de sa publication cet esprit aussi punk et subversif que potache. Ça ne plaira pas à tout le monde, et c'est exactement le but recherché.
Tank Girl, intégrale, de Jamie Hewlett (dessin), Alan Martin et Peter Milligan (scénario), label 619 aux éd. Ankama, 476 p., environ 35 euros.