La BD de la semaine : "Le Royaume de Blanche-Fleur", ce n'est pas que pour les enfants

"Le Royaume de Blanche-Fleur ? Ils chroniquent des livres pour enfants chez Pop Up' maintenant ? Faut croire que la rentrée BD a été pauvre. Je serais l'éditeur de Trotro ou de Tchoupi, je leur enverrai une cargaison de bouquins pour que leurs héros aient enfin les honneurs de la presse nationale..." Stooooop, lecteur cynique ! Le Royaume de Blanche-Fleur est bien une BD tous publics, et nous avons choisi de la mettre à l'honneur car ce serait dommage qu'elle se fasse noyer dans le tourbillon des blockbusters de la rentrée comme Les Indes Fourbes. Lisez plutôt ce qui suit.

Ça parle de quoi ?

Le Royaume est une série au destin contrarié. Six albums au format classique sont parus il y a une dizaine d'années chez Dupuis après une prépublication dans Spirou. Et puis, plus rien. Le dessinateur a eu des envies libertines (Gisèle et Béatrice, un ouvrage qui détonne un peu même dans la collection Aire Libre de l'éditeur) puis s'est fendu d'un Spirou (plutôt réussi, on en avait parlé ici). Un film d'animation plus tard, et Benoît Feroumont retrouve ses héros, l'aubergiste Anne, les oiseaux qui parlent et qui diffusent toutes les rumeurs dans le Royaume, le roi débonnaire, le forgeron François éperdument amoureux d'Anne (mais hélas pour lui, ce n'est pas réciproque), la méchante reine (qui accuse le roi de s'encanailler chez Anne, et pas que d'y boire plus que de raison). Loin d'être un théâtre figé, la série avait déjà connu moult péripéties qui avaient fait avancer l'histoire.

Mais là, Benoît Feroumont, tel un créateur de série télé qui claque tout son budget dans la dernière saison, se lâche sur 120 pages et multiplie les rebondissements. On va tâcher de ne pas trop divulgâcher ici, mais tout commence quand la princesse Cécile, meilleure amie d'Anne, l'aubergiste, est promise à un noble voisin. La mise en place du plan de table du mariage cause des migraines à la reine-mère, qui n'a jamais pu voir Anne en peinture. Avec ses dames de cour, elle ourdit un complot pour se débarrasser pour de bon de cette damnée tavernière.

Pourquoi on adore ?

Il n'est pas nécessaire d'avoir lu les six premiers volumes pour suivre l'intrigue de ce Royaume de Blanche-Fleur. Mais si l'album vous plaît, vous seriez bien inspiré de combler votre retard. Car cette série a préfiguré un renouveau de la série tous publics (dans le sens noble du terme) avec un canevas inventif, des thématiques modernes et une héroïne qui n'a pas attendu le mouvement #metoo pour montrer qu'elle avait du caractère. Le dessin chatoyant de Benoît Feroumont se prête bien au vernis "conte de fées" des histoires, qui traitent de problématiques bien plus actuelles (le consentement, l'immigration, les ventes d'armes...). Un peu comme si les albums de Johan et Pirlouit, époque Peyo, s'étaient emparés des problématiques du XXIe siècle.

C'est pour vous si...

... vous aimez les BD plus complexes qu'elles n'en ont l'air, si vous aimez partager vos albums avec vos chères têtes blondes, mais pas leur donner de la soupe pour décérébré, si vous aimez bien les séries qui s'arrêtent au sommet de leur forme, ou si vous aimez les contes de fées mais ceux qui ont compris que les Disney des années 1950 avaient un petit côté poussiéreux.

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Le Royaume de Blanche-Fleur par Benoît Feroumont, éd. Dupuis, 112 p., 20 euros environ.